Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 57
Le mardi 21 juin 2022
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2022
- L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN
- La réunion conjointe de la Commission de la défense et de la sécurité, de la Commission de l’économie et de la sécurité et de la Commission politique, tenue du 17 au 19 février 2020—Dépôt du rapport
- La session annuelle, tenue du 18 au 23 novembre 2020—Dépôt du rapport
- La session du printemps, tenue du 14 au 17 mai 2021—Dépôt du rapport
- Le Forum d’Halifax sur la sécurité internationale, tenu du 19 au 21 novembre 2021—Dépôt du rapport
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures)
- La Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques
- La Loi constitutionnelle de 1867
- Projet de loi sur la diffusion continue en ligne
- Projet de loi de crédits no 2 pour 2022-2023
- Projet de loi de crédits no 3 pour 2022-2023
- Projet de loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé
- Le Code criminel
- La Loi réglementant certaines drogues et autres substances
- Les travaux du Sénat
- Le Code criminel
LE SÉNAT
Le mardi 21 juin 2022
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La Journée nationale des peuples autochtones
L’honorable Dan Christmas : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour souligner la Journée nationale des peuples autochtones qui est célébrée chaque année à cette même date. Cette journée offre l’occasion de reconnaître et de saluer non seulement le patrimoine unique, les cultures diverses et la contribution exceptionnelle des Premières Nations, des Inuits et des Métis, mais également les innovations et les pratiques exemplaires mise en œuvre dans l’ensemble des institutions nationales pour favoriser la réconciliation entre le Canada et les peuples autochtones.
J’aimerais vous présenter un exemple de ces efforts et attirer l’attention sur les progrès remarquables réalisés par Postes Canada, une institution fédérale qui a vu le jour au moment de la Confédération. Il y a plusieurs semaines, plus précisément au début de mai, Postes Canada a ouvert un nouveau centre postal communautaire à Membertou, ma localité. Il s’agit du second centre du genre au Canada.
Le nouveau centre postal de Membertou compte des salles de réunion qu’il est possible de louer et une aire d’emballage des colis et il offre des services sécurisés d’impression et de déchiquetage. Sont également à la disposition du public un point d’accès Internet sans fil où on trouve des ordinateurs et de l’équipement de vidéoconférence de même qu’une salle insonorisée pour la balladodiffusion. Il y a aussi des stations de recharge pour véhicules électriques, des supports pour bicyclettes et une station de remplissage de bouteilles d’eau. Il y a également une aire de stationnement accessible et les portes sont automatiques. Enfin, les panneaux et les enseignes sont en mi’kmaq, français et anglais, et des œuvres d’art locales sont exposées dans l’immeuble. Comme l’a si justement dit le chef Terry Paul, « c’est bien plus qu’un simple bureau de poste, c’est un lieu de rencontre et de rassemblement ».
Tout cela fait partie intégrante de la stratégie nationale de Postes Canada visant à renouveler sa relation de longue date avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits, ainsi qu’avec les collectivités du Nord. La stratégie de réconciliation avec les Autochtones illustre l’engagement de Postes Canada à établir des partenariats partagés avec les peuples autochtones et les collectivités du Nord et à réaliser des progrès concrets et durables dans l’ensemble du Canada. Elle comprend quatre piliers clés : l’amélioration des services postaux aux communautés autochtones et du Nord, l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique d’approvisionnement auprès des Autochtones, l’amélioration de l’emploi et du maintien en poste des Autochtones, et le soutien à la viabilité, au bien-être et à la sécurité des communautés autochtones. Les piliers de cette stratégie sont d’excellents exemples de situations où la réconciliation et le commerce de détail s’unissent merveilleusement à la culture autochtone, la santé communautaire et le développement économique durable.
Comme si cela ne suffisait pas, pour célébrer la Journée nationale des peuples autochtones, Postes Canada émet aujourd’hui trois nouveaux timbres en l’honneur des anciens dirigeants autochtones Harry Daniels, la cheffe Marie-Anne Day Walker-Pelletier et Jose Kusugak, en reconnaissance de leur dévouement et de leurs contributions aux Métis, aux Premières Nations et aux Inuits qu’ils ont servis.
Postes Canada mérite d’être félicitée pour avoir adopté une politique qui change la donne et qui fait de la réconciliation avec les Autochtones un élément clé de ses activités. Il semble très approprié de mettre en lumière ces pratiques exemplaires à l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtones. Postes Canada a effectivement réalisé une merveilleuse série d’initiatives dont tous les Canadiens devraient être fiers et reconnaissants. Il s’agit d’une véritable réconciliACTION à l’œuvre. Wela’lioq. Merci.
Des voix : Bravo!
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l’honorable John Hogan, c.r., ministre de la Justice et de la Sécurité publique et procureur général de Terre-Neuve-et-Labrador.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La Journée nationale des peuples autochtones
L’honorable Patti LaBoucane-Benson : Honorables sénateurs, mes amis, nous célébrons aujourd’hui la Journée nationale des peuples autochtones, et il y a tant de choses à célébrer.
D’abord, je suis tellement reconnaissante que des peuples autochtones exercent leur droit à l’autodétermination économique, surtout dans ma province, l’Alberta. Je tiens à féliciter la chambre de commerce d’Edmonton d’avoir créé un poste d’aîné en résidence. Je ne peux penser à meilleure personne pour occuper ce poste pour la première fois que mon amie Irene Morin de la nation crie Enoch. L’ensemble de ses réalisations est considérable. Elle a été une ardente défenseure de la justice sociale dans le cadre de son travail au Native Counselling Services of Alberta et une attachée politique efficace et populaire pour la regrettée et grande sénatrice Thelma Chalifoux. Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu’Irene aidera la chambre de commerce à établir des relations nouvelles et plus solides avec les collectivités autochtones des environs d’Edmonton et à mettre ses membres en contact avec les dirigeants, les entrepreneurs et les personnes influentes autochtones de la région. Croyez-moi, Irene connaît tout le monde.
Cette innovation vers la réconciliation ne devrait pas nous surprendre. L’Alberta Treasury Branch a récemment publié un rapport sur les contributions économiques des 313 000 Autochtones qui résident sur le territoire qui s’appelle aujourd’hui l’Alberta. Le rapport révèle ce qui suit :
L’économie autochtone de l’Alberta a généré 6,74 milliards de dollars de PIB en 2019 [...] ce qui est égal au PIB généré par le secteur agricole de l’Alberta.
Honorables sénateurs, l’autodétermination économique est une des pierres angulaires de la réconciliation et du concept de miyo‑pimâtisiwin, c’est-à-dire la capacité d’avoir une bonne vie. Je célèbre toutes les entreprises autochtones des quatre coins de l’île de la Tortue qui contribuent de manière utile à leur collectivité et à notre pays.
Sur une note personnelle, je célèbre aussi l’importance profonde de nos cérémonies traditionnelles. La fin de semaine dernière, j’ai eu l’honneur de participer à la Danse du Soleil et, ainsi, de faire partie d’une des cérémonies nehiyaw les plus sacrées, qui repose sur les principes de l’interdépendance et du sacrifice pour la guérison et le bien-être du peuple. Je suis extrêmement reconnaissante à l’aîné et chef de la Danse du Soleil, Fred Campiou, et à Melanie Campiou, de leur dévouement inlassable envers cette cérémonie et de ce qu’on appelle kisawâtisiwin, soit l’amour bienveillant, qui guide leur travail.
Honorables sénateurs, les cérémonies sont les lieux par excellence où les langues autochtones peuvent s’épanouir. Pendant toute la fin de semaine, j’ai baigné dans la langue nêhiyawêwin. J’ai écouté des histoires, des blagues et des enseignements. La préservation des langues autochtones est intimement liée à la survie de ces magnifiques cérémonies.
(1410)
J’espère donc, chers collègues, que vous aurez le temps cette semaine de célébrer la résilience, l’autodétermination et la guérison autochtones.
Hiy hiy.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l’honorable Park Byeong Seug, Président de la 21e Assemblée nationale de la République de Corée, et d’une délégation de parlementaires, ainsi que de Son Excellence Chang Keung Ryong, ambassadeur de la République de Corée au Canada.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La Journée nationale des peuples autochtones
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole pour souligner la Journée nationale des peuples autochtones. Elle fait partie du programme Le Canada en fête, qui comprend également la Saint-Jean-Baptiste, la Journée canadienne du multiculturalisme et la journée de la fête du Canada elle-même. La Journée nationale des peuples autochtones fait partie intégrante du programme Le Canada en fête, car elle complète la reconnaissance des multiples facettes de la diversité canadienne. Ensemble, ces quatre journées permettent de reconnaître l’ensemble des peuples qui ont bâti notre pays.
Les peuples autochtones ont participé à la défense du Canada dès les tout premiers jours du Canada. Je songe notamment à la guerre de 1812, aux deux guerres mondiales du XXe siècle, à la défense de ma patrie, la Corée, et aux missions de maintien de la paix et autres conflits auxquels les Forces armées canadiennes ont participé au fil des ans.
Un des vétérans autochtones les plus décorés a été Tommy Prince, qui a courageusement servi pendant la Deuxième Guerre mondiale et la guerre de Corée. Trop souvent, les contributions des peuples autochtones n’ont pas obtenu la reconnaissance qu’elles méritaient à juste titre.
À ce sujet, je crois qu’il est très important de souligner que le Livre du Souvenir de la guerre de 1812, qui a été dévoilé dans la chapelle du Souvenir du Parlement il y a quelques années seulement, contient la liste des guerriers autochtones qui ont donné leur vie dans le conflit qui a permis de préserver leurs propres nations et le Canada lui-même à la suite d’une invasion.
Nous reconnaissons aussi les innombrables Autochtones de tous les horizons qui ont grandement contribué à améliorer la vie des leurs et de tous les Canadiens. Il y a littéralement trop de personnes pour les nommer toutes. Toutefois, dans mon domaine de l’éducation, je pourrais vous parler de quelques personnes très inspirantes comme Verna Kirkness, une pionnière dans le monde de l’éducation au Manitoba; Janet Smylie, professeure agrégée à l’École de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto; et notre propre ancienne collègue, l’honorable Lillian Dyck, qui a été professeure dans une unité de recherche en neuropsychologie au Département de psychiatrie de l’Université de la Saskatchewan avant d’être nommée au Sénat, où elle a accompli ses fonctions avec brio.
Aujourd’hui, nous reconnaissons et soulignons l’ensemble de leurs réalisations qui ont contribué à bâtir notre pays. La relation historique entre les peuples autochtones et le Canada a souvent été difficile. Cette journée de célébrations nous donne l’occasion de démontrer non seulement notre gratitude, mais aussi notre volonté à aller de l’avant et à bâtir le Canada de demain.
Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, en l’honneur de la Journée nationale des peuples autochtones, je prends la parole pour raconter deux histoires.
Tout d’abord, je tiens à rendre hommage au regretté Harry Daniels, un fier Métis. Postes Canada a créé dernièrement un timbre commémoratif qui lui rend hommage et qui met en lumière sa contribution à l’histoire des Autochtones.
Harry Daniels est surtout connu, peut-être, pour le rôle qu’il a joué pendant les négociations constitutionnelles qui ont défini la politique canadienne dans les années 1980. Daniels était un ardent défenseur des droits des Métis; il s’est battu pour que les Métis soient inclus dans la définition du terme « peuples autochtones » incluse dans la Constitution.
Cela n’a pas été tâche facile. Il s’est buté à Jean Chrétien, alors ministre de la Justice, qui a d’abord refusé ses demandes. Le militantisme résolu de Harry et sa persévérance ont toutefois fini par convaincre M. Chrétien et le premier ministre Trudeau d’inclure les Métis. Cette décision a transformé la relation qui existait entre les Métis et le gouvernement fédéral.
Je remercie la Société canadienne des postes d’avoir rendu hommage à Harry et de m’avoir demandé de prendre la parole pendant la cérémonie qui s’est déroulée la semaine dernière à Regina. C’était un événement important pour Regina Beach et pour notre famille élargie. Harry était le cousin de ma mère et, comme il avait 17 ans de plus que moi, il a toujours été pour moi « oncle Harry ».
Les timbres commémoratifs racontent des histoires. C’est un point que Postes Canada a en commun avec les peuples autochtones, puisque nous avons pour tradition de tisser des liens entre les générations et de transmettre nos connaissances en racontant des histoires.
J’aimerais parler d’une autre histoire, qui souligne un autre combat pour la justice. J’ai récemment visionné un film intitulé I’m Not An Indian, réalisé par R.J. Maloney en partenariat avec Jake Dockstator, un des créateurs du film.
Le documentaire raconte l’histoire d’Orville Smoke, regretté chef de la Première Nation de Dakota Plains. On y fait le récit percutant de vérités désagréables et de conséquences tragiques et horribles, tout en donnant une lueur d’espoir.
On trouve le documentaire sur la chaîne Crave. Même si le film traite d’événements douloureux et tragiques, j’exhorte mes collègues de la Chambre à le regarder cet été, avant le 30 septembre 2022, jour où le Canada soulignera la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
Le chef Smoke et Harry Daniels ont lutté avec acharnement pour améliorer le sort des peuples autochtones. Leur héritage ne se résume pas à leurs réalisations, car celles-ci tracent aussi la voie pour les générations futures. Il faut se souvenir de leurs histoires. Nous devons les raconter pour qu’on ne les oublie pas.
Merci. Hiy kitatamîhin.
Le Projet d’hommage à la Marine canadienne
L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, je vais parler aujourd’hui du Projet d’hommage à la Marine canadienne, cofondé par Sean Livingston et Mark Phillips. Ce projet vise à reconnaître 14 héros méconnus de la Marine royale canadienne, des héros qui ont été victimes de préjugés basés sur leur race ou leur genre, mais qui sont demeurés inébranlables au combat.
Parmi les 14 officiers à l’honneur, on compte le remarquable capitaine de corvette William Lore. M. Lore est né à Victoria, en Colombie-Britannique, en 1909, et a été un pionnier sino-canadien à bien des égards. Au début de la Seconde Guerre mondiale, M. Lore, qui était fonctionnaire, a tenté de s’enrôler dans la Marine royale canadienne à trois reprises, mais il a été refusé chaque fois en raison de son origine ethnique. Il a fini par être admis seulement quand le chef d’état-major de la Marine en a fait la demande personnellement.
Ainsi, M. Lore a été la première personne d’origine chinoise à devenir officier dans la Marine royale canadienne et dans une marine d’un pays du Commonwealth.
Le capitaine de corvette Lore a servi au Royaume-Uni et en Asie du Sud-Est, où il a joué un rôle déterminant dans la planification de l’attaque de l’Alliance sur Rangoun, en Birmanie. En reconnaissance de son service et de son sacrifice pour la libération de Hong Kong, M. Lore a été choisi pour commander la première équipe de manœuvre de la Marine royale à entrer dans la ville, et il a été le premier officier des Alliés à faire son entrée officielle dans la région libérée.
L’histoire remarquable de M. Lore s’est poursuivie après le jour de la victoire. Après sa retraite de la marine, en 1948, le capitaine de corvette a obtenu un diplôme en droit de l’Université d’Oxford à l’âge de 51 ans.
Honorables collègues, les services exceptionnels rendus par William Lore ne sont qu’un exemple parmi tant d’autres des contributions exceptionnelles apportées par les héros canadiens qui sont honorés dans le cadre du Canadian Naval Tribute Project. Je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter M. Livingston et M. Phillips des efforts qu’ils ont déployés afin de préserver la riche histoire militaire du Canada.
Merci. Xie xie.
(1420)
Le vol 182 d’Air India
L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je prends la parole afin de commémorer un jour sombre de notre histoire. L’écrasement du vol 182 d’Air India s’est produit le 23 juin 1985, au large des côtes de l’Irlande. Les 329 passagers qui se trouvaient à bord, y compris 82 enfants, 6 nouveau-nés et 29 familles, ont péri lors de cet attentat à la bombe. Cet événement demeure la plus importante attaque terroriste de l’histoire du Canada. D’une certaine manière, c’était l’équivalent canadien des événements du 11 septembre.
Pendant les 37 années qui ont suivi, le Canada a beaucoup changé. Il est devenu un pays plus inclusif. Nous avons tiré des leçons du passé, et nous avons pris des mesures en conséquence. Nos politiques, nos protocoles et nos lois ont évolué, mais je crois que ce sont surtout nos mentalités qui ont changé. Chaque année, le 23 juin, nous soulignons la Journée nationale du souvenir des victimes de terrorisme. Cependant, pour que nous n’oubliions pas, je profite de cette occasion pour nous amener collectivement à commémorer les victimes du vol 182 d’Air India.
Je suis encouragée par les progrès que nous avons réalisés en traitant les immigrants comme des Canadiens à part entière et non seulement comme des gens qui sont à moitié canadiens. En 2020, lorsque le vol 752 d’Ukraine International Airlines s’est écrasé, 138 personnes parties de Téhéran pour se rendre au Canada ont péri. Cette fois-là, nous n’avons pas répété les erreurs du passé. Nous n’avons pas minimisé l’événement en considérant que les victimes étaient moins canadiennes que d’autres et qu’elles étaient donc moins importantes à nos yeux. Cette fois, nous avons démontré que les Canadiens d’origine étrangère ne sont pas moins canadiennes que d’autres.
Bien entendu, rien de tout cela ne procure de réconfort aux familles qui ont été privées de leur avenir, dont la vie a été changée à tout jamais, qui ne verront pas grandir leurs enfants, dont les parents n’assisteront pas aux remises de diplômes, aux anniversaires, aux mariages ou à la naissance d’un enfant ou d’un petit-enfant. Ces familles ne célébreront pas la fête des Mères, la fête des Pères ou le jour de la Famille. J’espère que la Journée nationale du souvenir des victimes du terrorisme comptera pour elles.
Que notre nation poursuive sa lutte contre le terrorisme, la haine et l’intolérance. Merci.
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Steve Farlow. Il est l’invité de l’honorable sénatrice Deacon (Ontario).
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2022
Présentation du sixième rapport du Comité des finances nationales
L’honorable Percy Mockler, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :
Le mardi 21 juin 2022
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l’honneur de présenter son
SIXIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures, a, conformément à l’ordre de renvoi du 14 juin 2022, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.
Respectueusement soumis,
Le président,
PERCY MOCKLER
(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 771.)
— Honorables sénateurs, j’aimerais remercier les membres du comité directeur du Comité des finances nationales : le sénateur Forest, le sénateur Gignac et le sénateur Richards.
[Traduction]
Je veux aussi remercier les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales de leur coopération, de leur esprit d’équipe et de leur dévouement, qui ont permis au comité de respecter une échéance serrée. J’aimerais aussi remercier les six autres comités qui ont réalisé une étude préalable de ce projet de loi.
Votre Honneur, notre comité est soutenu par du personnel remarquable, comme des greffiers, des analystes, des interprètes, le personnel des communications et notre personnel de bureau, qui ont travaillé d’arrache-pied pour appuyer les comités et leur permettre d’exercer leurs responsabilités.
[Français]
Grâce à toutes ces personnes, le comité est en mesure de se concentrer sur quatre principes fondamentaux : la transparence, la responsabilité, la fiabilité et la prévisibilité du budget canadien pour tous les Canadiens et les Canadiennes.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Moncion, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
[Traduction]
L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN
La réunion conjointe de la Commission de la défense et de la sécurité, de la Commission de l’économie et de la sécurité et de la Commission politique, tenue du 17 au 19 février 2020—Dépôt du rapport
L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant sa participation à la réunion conjointe de la Commission de la défense et de la sécurité, de la Commission de l’économie et de la sécurité et de la Commission politique, tenue à Bruxelles, en Belgique, du 17 au 19 février 2020.
La session annuelle, tenue du 18 au 23 novembre 2020—Dépôt du rapport
L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant sa participation à la 66e session annuelle, tenue par vidéoconférence, du 18 au 23 novembre 2020.
La session du printemps, tenue du 14 au 17 mai 2021—Dépôt du rapport
L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant sa participation à la session du printemps, tenue par vidéoconférence, du 14 au 17 mai 2021.
Le Forum d’Halifax sur la sécurité internationale, tenu du 19 au 21 novembre 2021—Dépôt du rapport
L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant sa participation au Forum d’Halifax sur la sécurité internationale, tenu à Halifax, en Nouvelle-Écosse, au Canada, du 19 au 21 novembre 2021.
PÉRIODE DES QUESTIONS
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les services de passeport
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, lundi matin, les forces policières ont encore une fois dû intervenir au bureau de Service Canada à Laval, en banlieue de Montréal. On a demandé aux centaines de Canadiens qui faisaient la queue pour obtenir un passeport de quitter les lieux. Monsieur le leader, beaucoup d’entre eux étaient là depuis samedi.
Hier, monsieur le leader, vous nous avez dit que le gouvernement s’assure de donner la priorité à toutes les personnes qui ont planifié un voyage commençant dans les 25 jours ouvrables. Vendredi dernier, la secrétaire parlementaire de la ministre Gould a dit que des agents de Service Canada répondent à tous les clients des files d’attente pour qu’ils obtiennent les services voulus en deux jours ouvrables dans les cas de voyages urgents. Hier matin, à Laval, on a dit aux gens qu’ils seraient servis s’ils avaient réservé un voyage commençant dans les 24 heures, et ce, malgré une affiche sur la porte du bureau indiquant qu’ils pouvaient recevoir les services si leur départ était planifié dans les 24 à 48 heures.
Monsieur le leader, on parle de trois ou quatre délais différents. Quelle est l’information exacte?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur Plett, je vous remercie de la question. La réponse courte est qu’il est clair que les renseignements fournis par les différentes sources sont incohérents, comme vous l’avez dit, à Laval et peut-être aussi ailleurs. L’information dont je dispose est la réponse que je vous ai donnée l’autre jour, et c’est la seule information dont je dispose.
La situation est déplorable. Je ferai de mon mieux pour découvrir ce qui se passe dans ce bureau en particulier. Il est très achalandé, mais il n’est pas le seul à connaître des problèmes. Je ferai de mon mieux pour tirer les choses au clair, si je le peux.
Le sénateur Plett : J’espère que la ministre pourra vous donner les renseignements exacts.
(1430)
Monsieur le leader, notre système de passeports est dans un chaos total. Personne dans le gouvernement Trudeau ne sait comment corriger la situation, qui semble s’aggraver tous les jours. Je déteste penser à ce qui se produira la semaine prochaine quand la plupart des écoles fermeront pour l’été et que plus de familles commenceront à voyager. Comme je l’ai dit hier, plus de 18 000 employés de Service Canada qui traitent les demandes de passeport travaillent encore de leur domicile comme précaution contre la COVID.
La détermination du gouvernement Trudeau de prolonger la pandémie le plus longtemps possible, alors que le reste du Canada et, d’ailleurs, le reste du monde sont passés à autre chose empêche le gouvernement de répondre aux besoins des citoyens qu’il sert.
On a délivré moins de 48 000 passeports la semaine dernière, monsieur le leader. Avant la pandémie, la moyenne de passeports délivrés était de plus de 90 000 par semaine, presque le double.
Monsieur le leader, une réponse écrite déposée à la Chambre des communes indique que, en date du 12 mai 2022, 249 employés de Service Canada étaient en congé à cause de l’exigence vaccinale.
Combien de ces employés traitent les demandes de passeport, sénateur Gold, et sont-ils maintenant de retour au travail?
Le sénateur Gold : Je me renseignerai certainement pour répondre à la question que vous avez posée à la fin de votre intervention.
Je vais répéter encore une fois que c’est une situation inacceptable. Le gouvernement fait ce qu’il peut. Il consacre les ressources à sa disposition pour la rectifier. On espère que la situation s’améliorera suffisamment pour que les Canadiens puissent voyager à l’étranger ou recevoir leur passeport pour quelque raison que ce soit, et ce, le plus rapidement possible.
Les finances
Les frais des petites entreprises
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Sénateur Gold, lors de la campagne électorale fédérale de 2019, les libéraux de Trudeau ont pris plusieurs engagements pour aider nos petites entreprises. Ces engagements n’ont pas été respectés. Comme je l’ai indiqué précédemment, il semble que le gouvernement Trudeau ne respecte pas sa promesse de réduire les coûts de 75 % pour la constitution en société de régime fédéral. De plus, la promesse de mettre fin aux frais de carte de crédit sur la TPS et de la TVH semble s’être noyée dans d’interminables consultations.
Monsieur le leader, en 2019, le gouvernement a également promis de supprimer les frais des services consultatifs aux entreprises, notamment des programmes de mentorat et de formation proposés par la Banque de développement du Canada, Exportation et développement Canada et Financement agricole Canada.
Monsieur le leader, pourriez-vous nous dire si ces frais ont été supprimés? Sinon, pourquoi cela n’a-t-il pas été fait?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Afin de répondre aux deux aspects de votre question, je vais devoir me renseigner avant de vous revenir là-dessus.
La sénatrice Martin : Monsieur le leader, pour ce qui est des consultations concernant les frais de carte de crédit dont j’ai parlé, les petites entreprises attendent toujours de savoir quand la prochaine ronde débutera, comme cela a été annoncé dans le budget. Il y a plus d’un mois, le 14 mai dernier, la Fédération canadienne des épiciers indépendants a déclaré ce qui suit :
[...] le gouvernement demeure totalement muet sur la date de commencement des prochaines consultations et sur les problèmes que ces consultations viseront à régler.
Monsieur le leader, je vous ai posé une question à ce sujet le mois dernier, et vous m’aviez répondu que vous alliez vous renseigner et revenir avec une réponse. Quelle réponse vous a-t-on donnée, si tant est que vous en ayez obtenu une? Le gouvernement va-t-il lancer ces consultations le plus tôt possible?
Le sénateur Gold : Merci. J’ai effectivement demandé des renseignements et, non, je n’ai pas encore obtenu de réponse. Par conséquent, je ne suis pas en mesure de répondre à votre question, mais je vais en prendre note pour faire un suivi.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor
Le système de paie Phénix
L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, le système de paie Phénix a été lancé il y a plus de six ans, pourtant, il semble qu’un grand nombre de fonctionnaires sont encore dans l’incertitude par rapport à leur paie. Certains d’entre eux ne sont pas payés, tandis que d’autres reçoivent trop d’argent. En outre, certains fonctionnaires qui avaient été trop payés ont remboursé les sommes en question, mais des prélèvements apparaissent encore sur leurs talons de paie. Cela fait six ans et c’est inacceptable que des fonctionnaires vivent toujours dans une telle incertitude.
Quand le nouveau système de paie sera-t-il en ligne et opérationnel? Dans l’intervalle, quelles mesures le gouvernement a-t-il mises en place pour aider les fonctionnaires dont la paie demeure une source d’incertitude?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénatrice. Le gouvernement reconnaît que ces problèmes de longue date causent du stress et des difficultés aux employés et à leur famille. Le gouvernement est résolu à les régler. On me dit que le gouvernement a récemment observé une hausse de nouvelles transactions au centre de paie, quoique la majorité est traitée dans un délai conforme à la norme. Les équipes de la rémunération accordent la priorité aux cas ayant des implications financières pour l’employé.
Le gouvernement a pris d’importantes mesures pour aider à stabiliser le système de paie Phénix et continue de collaborer avec toutes les parties intéressées, y compris les syndicats et les employés, pour trouver une solution. Certes, il reste toujours du travail à faire. Toutefois, le gouvernement continue de progresser vers la stabilisation de la paie afin que les employés fédéraux partout au pays soient rémunérés avec exactitude et à temps. Le gouvernement continue de traiter en priorité les transactions en attente tout en s’efforçant de traiter les nouvelles transactions conformément aux normes de service 95 % du temps.
Enfin, le gouvernement se prépare à instaurer le système de paie nouvelle génération. À cette fin, il mène des projets pilotes et procède à des essais afin de s’assurer que le nouveau système fournira aux fonctionnaires des paies exactes en temps voulu, car c’est leur droit et leur dû. Cela prendra du temps et la ministre Tassi s’emploie à faire progresser ce dossier.
La sénatrice M. Deacon : Merci de votre réponse.
Pourriez-vous s’il vous plaît nous en dire davantage concernant la dernière partie de votre réponse, au sujet du nouveau système et de sa mise en œuvre, du projet pilote, du démarrage et des mises à l’essai? Je pense avoir été mise au courant de ce que vous évoquez, mais je crois que le nouveau système fonctionne en parallèle avec l’abandon de l’ancien système. Avez-vous une idée du temps qu’il faudra, incluant une formation et une période de mise à l’essai adéquates, avant que le nouveau système fonctionne indépendamment de l’ancien?
Le sénateur Gold : Merci, sénatrice. Non, je ne le sais pas. D’après ce que j’ai compris, des projets pilotes et des mises à l’essai sont en cours, tandis que, bien sûr, l’autre système est toujours là et fonctionne comme système de paie. J’ignore à quel stade la transition sera possible. Je vais me renseigner.
[Français]
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les services de passeport
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, si vous me le permettez, j’aimerais revenir sur la question de la crise des passeports, particulièrement à Montréal.
Un collègue montréalais m’a raconté une anecdote plutôt incroyable. Il voulait déposer sa demande de passeport au bureau de Service Canada sur la rue Décarie, à Montréal, six semaines avant de partir en voyage avec ses enfants. Or, le préposé lui a dit : « Non, ne faites pas cela, faites plutôt la file maintenant ». Donc, cela veut dire que ces files d’attente sont constituées également de citoyens qui partent dans six semaines et qui se font dire que le système est tellement pourri qu’il vaut mieux faire la queue maintenant plutôt que de déposer leur demande. En agissant ainsi, en donnant ce genre de consigne, le gouvernement empire-t-il la crise?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Malheureusement, je n’ai pas bien compris votre dernière phrase, pouvez-vous la répéter, s’il vous plaît?
La sénatrice Miville-Dechêne : Cet homme se rend au bureau des passeports, car il veut déposer sa demande pour qu’elle soit traitée, puisqu’il partira dans six semaines, il n’y a donc pas d’urgence, il veut simplement la déposer. Cependant, on lui dit : « Non, ne la déposez pas, faites plutôt la file immédiatement pour obtenir votre passeport ». Donc, on lui dit de passer devant les autres. Ce qui veut dire que les files de gens à Montréal sont constituées, entre autres, de gens pour qui il n’y a pas d’urgence d’obtenir un passeport. Le gouvernement empire-t-il la crise en donnant des consignes de ce genre?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Ce n’est peut-être pas une réponse à votre question, mais plutôt un commentaire : la situation est inacceptable. La situation que vous avez décrite est kafkaïenne.
Cela dit, le gouvernement fait de son mieux pour résoudre ce problème. Il est évident que les problèmes persistent et la seule chose que je peux vous dire est que je vais de nouveau parler à mes homologues au sein du gouvernement pour leur demander des informations, et je vous les communiquerai ensuite ici. Je soulignerai également l’importance de résoudre ce problème le plus tôt possible.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je reste tout de même un peu perplexe, sénateur Gold, puisque lorsque la pandémie a éclaté, le gouvernement fédéral a réussi en un temps record à distribuer la PCU; cela démontre bien que l’on peut surmonter les obstacles bureaucratiques. Pourtant, aujourd’hui, cela semble impossible pour le service de passeports qui est absolument essentiel. Pourquoi n’a‑t‑on pas déjà décidé d’ouvrir les bureaux de passeports pendant les week-ends en réorganisant les horaires des employés?
(1440)
Le sénateur Gold : Je n’ai pas de réponse à cette question. Je l’ajouterai à la liste de questions que je poserai au gouvernement.
Le Bureau du Conseil privé
Le programme législatif du gouvernement
L’honorable Diane Bellemare : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. L’heure des bilans approche. Il sera bientôt temps de faire le point sur notre session parlementaire. Depuis le début de cette nouvelle législature, le gouvernement a décidé d’introduire plusieurs de ses projets de loi au Sénat. Depuis le mois de décembre, nous avons reçu un total de 10 projets de loi du gouvernement. À titre de comparaison, le gouvernement Trudeau en a introduit six pendant la 42e législature, qui a duré quatre ans. Bien sûr, il appartient au gouvernement de procéder ainsi.
Le gouvernement conservateur du premier ministre Harper avait lui aussi l’habitude de procéder ainsi. En effet, au cours de la 1re session de la 41e législature, il a déposé 17 projets de loi, et il en a déposé 7 lors de la 2e session de la 41e législature.
Personnellement, je ne suis pas contre cette façon de faire. Au contraire, cela peut permettre au Sénat d’accomplir son travail de second examen en profondeur, surtout si les projets de loi sont déposés aux mois de février, mars ou avril.
Quelle est votre opinion sur cette pratique? Est-ce une tendance qui se poursuivra? Est-ce que vous appréciez et encouragez cette façon de faire?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Je suis reconnaissant du respect que le gouvernement porte au travail du Sénat. En ce sens, je suis très fier du travail que nous avons accompli en examinant les projets de loi du gouvernement au Sénat.
Cela dit, je crois qu’il faut trouver un juste équilibre. Comme plusieurs l’ont déjà mentionné, il est important aussi d’avoir l’avantage des témoignages recueillis et de l’analyse réalisée à l’autre endroit.
C’est de la pure spéculation de ma part, chers collègues, car je n’ai aucune idée de ce qui va nous arriver au retour de la période de relâche. Toutefois, je suis sûr que lorsque le Sénat recevra des projets de loi, soit après leur étude à l’autre endroit ou au début du processus parlementaire, nous continuerons de faire le travail pour lequel nous sommes reconnus, et avec raison, au Sénat.
La sénatrice Bellemare : Ne trouvez-vous pas intéressant, dans le cadre de la procédure actuelle, que le Sénat puisse, d’une part, faire l’étude des projets de loi et, d’autre part, débattre des changements apportés par la suite à l’autre endroit?
Le sénateur Gold : Si j’ai bien saisi la question, en effet, je trouve cela intéressant. Nous sommes, par exemple, en train de débattre le projet de loi S-5 sur l’environnement. C’est un projet de loi d’une grande importance. Nous avons fait un très bon travail en comité. Nous verrons comment la Chambre des communes accueillera le travail que nous avons fait et nous poursuivrons le débat cette semaine.
Comme je l’ai dit en réponse à votre question, il est normal que l’on reçoive des projets de loi après qu’ils ont fait l’objet d’études et de débats à l’autre endroit. En d’autres mots, il y a de la place pour les deux façons de légiférer.
[Traduction]
L’agriculture et l’agroalimentaire
Le soutien au secteur agricole
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Sénateur Gold, vous le savez, l’agriculture est l’une des plus importantes industries au Canada. Cependant, le gouvernement a tendance à agir sans consulter les membres de cette industrie.
Le prochain Cadre stratégique pour l’agriculture comprendra des investissements sur cinq ans des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pour soutenir et faire croître le secteur agricole et agroalimentaire. Le cadre remplacera le Partenariat canadien pour l’agriculture, qui prendra fin le 31 mars 2023.
Honorables sénateurs, même si le secteur agricole canadien est un chef de file mondial, il ne fait pas aussi bien qu’il le pourrait. Pour que le secteur atteigne son plein potentiel en matière de production, d’exportation, d’activités durables et d’innovation et pour assurer la solidité, l’accessibilité et l’abordabilité de la chaîne alimentaire au pays, le secteur aura besoin de plus de soutien — financier et stratégique — de la part de tous les ordres de gouvernement.
Le Partenariat canadien pour l’agriculture qui est en place représente des investissements de 3 milliards de dollars, dont 2 milliards de dollars en coûts partagés entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et 1 milliard de dollars en financement du fédéral pour les activités et les programmes.
Ma question, sénateur Gold, est la suivante : le gouvernement s’engagera-t-il à accorder un investissement réaliste sur cinq ans pour aider le secteur agricole à atteindre son plein potentiel? Je souligne l’emploi du terme « réaliste ». Merci.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, sénateur. Contrairement à vous, je ne suis pas convaincu — même si vous êtes certainement plus versé dans ce domaine que moi — que le rendement du secteur agricole canadien laisse à désirer. J’estime que la conjonction de nombreux facteurs a nui à l’industrie au cours des dernières années. Évidemment, parmi ces facteurs, on peut mentionner les circonstances actuelles et récurrentes, dont la COVID-19 ainsi que les inondations et les sécheresses.
Toutefois, le secteur agricole a fait preuve d’une grande résilience. Le gouvernement l’a toujours soutenu et il continuera d’appuyer les producteurs et les transformateurs en cas de besoin.
Voici ce qu’on peut lire dans le budget de 2022 :
Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux travailleront ensemble au cours de la prochaine année pour renouveler les programmes selon le prochain cadre stratégique pour l’agriculture qui débutera en 2023.
Chers collègues, on note une forte volonté politique de renouveler le partenariat et de positionner le secteur agricole pour en assurer la réussite au cours des cinq prochaines années.
La sécurité publique
La Gendarmerie royale du Canada
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, le Halifax Examiner vient de publier un article qui soutient que la commissaire de la GRC, Brenda Lucki, a tenté de « compromettre » l’enquête sur une tuerie pour faire avancer les efforts de Justin Trudeau en matière de contrôle des armes à feu.
Dans l’article, on apprend que Brenda Lucki a promis au ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, et au Cabinet du premier ministre de tirer parti de la tuerie des 18 et 19 avril 2020 en Nouvelle-Écosse pour faire adopter une loi sur le contrôle des armes à feu.
Sénateur Gold, voici une citation qui est tirée des notes de l’un des agents de la GRC qui a participé aux réunions avec la commissaire :
La commissaire a dit qu’elle avait promis au ministre de la Sécurité publique et au Cabinet du premier ministre que la GRC, c’est-à-dire nous, divulguerions cette information [...]
Sénateur Gold, est-ce que c’est vrai? La commissaire de la GRC a-t-elle promis de se servir de la tuerie en Nouvelle-Écosse pour faire avancer les politiques du gouvernement libéral?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : C’est une sacrée accusation. Je n’ai aucune connaissance de cette histoire ou des faits. Je ne suis pas en mesure de faire le moindre commentaire.
Le sénateur Plett : Sénateur Gold, l’accusation est portée dans l’Halifax Examiner, et non par le leader de l’opposition au Sénat. Je vous demande d’enquêter sur cette affaire, sénateur Gold, et de nous en faire rapport.
Sénateur Gold, si ce rapport est vrai, croyez-vous que la commissaire Lucki peut rester à la tête de la GRC?
Le sénateur Gold : Je vais certainement me renseigner, car c’est la première fois que j’entends parler de cela. Pardonnez-moi de ne pas connaître ou lire régulièrement ce journal.
À nouveau, je devrai me renseigner avant de pouvoir faire des commentaires, y compris une réponse à votre dernière question.
La santé
La Stratégie pancanadienne de données sur la santé
L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
À l’automne 2020, un groupe consultatif d’experts a été créé pour fournir des conseils sur l’élaboration de la Stratégie pancanadienne de données sur la santé. L’objectif de cette stratégie est de soutenir la création, l’échange et l’utilisation efficaces de données sur la santé. Il y a un an, j’ai posé une question au Sénat concernant les mesures prises par le gouvernement fédéral pour élaborer la stratégie et remédier aux graves lacunes qui s’observent dans le système canadien actuel de données sur la santé. À ce jour, je n’ai toujours pas obtenu de réponse à cette question.
(1450)
Sénateur Gold, le 3 mai 2022, le Comité consultatif d’experts sur la stratégie pancanadienne de données sur la santé a publié son troisième et dernier rapport, qui comprend 10 recommandations pour renforcer le système canadien de données sur la santé. De quelle manière le gouvernement fédéral compte-t-il mettre en œuvre ces recommandations pour faire progresser la stratégie?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je regrette que vous n’ayez pas reçu de réponse à votre question. Je vais certainement assurer un suivi pour vérifier si son retrait de la liste est le fruit des circonstances. Je vais me renseigner et vous ferai savoir où en est la réponse du gouvernement à l’égard de ces recommandations.
La sénatrice Seidman : Évidemment, si je pose la question c’est parce que la pandémie de COVID-19 a fait ressortir les iniquités qui existent dans le système canadien de données sur la santé. L’absence de normes nationales pour la collecte et la communication des données sur la santé a nui à la capacité du Canada de bien mesurer l’efficacité du vaccin contre la COVID-19, de surveiller l’apparition de nouveaux variants et d’évaluer les complications à long terme découlant de la COVID-19.
Dans un article du Globe and Mail publié le 4 juin 2022, des experts en santé prévenaient que la collecte insuffisante de données risque de nuire à notre capacité de comprendre la forme longue de la COVID et de trouver des solutions pour la traiter.
Sénateur Gold, la nécessité d’un système national robuste de données sur la santé est évidente. Quelles mesures le gouvernement fédéral prendra-t-il pour éliminer les obstacles qui entravent la capacité du Canada de recueillir, de communiquer et d’analyser les données sur la santé?
Le sénateur Gold : Encore une fois, je ne sais pas quelles mesures le gouvernement prendra, mais j’imagine qu’elles seront le fruit de discussions et de consultations avec les provinces et les territoires, qui ont la responsabilité et la compétence constitutionnelles en matière de collecte, de gestion et de protection des données sur la santé des citoyens. Je vais essayer d’obtenir une réponse et je vous reviendrai.
[Français]
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les services de passeport
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, lors de la période des questions du 31 mai dernier, j’ai soulevé les problèmes de délais pour les demandes de passeport et des délais d’attente dans les bureaux de passeport. Vous m’aviez répondu ce qui suit à ce moment-là, et je cite :
Le gouvernement est au courant des défis et il est à l’écoute du personnel sur le terrain. On m’a avisé que le gouvernement a créé de nouveaux centres pour faire en sorte d’augmenter la capacité de production. Il a embauché environ 500 nouveaux employés et créé un nouvel outil en ligne [...]
Ensuite vous dites ce qui suit : « Le gouvernement continuera de se pencher sur cet enjeu pour réduire le temps d’attente [...] ».
C’était il y a trois semaines déjà, et il semble que plus il y a de gens et d’outils, plus cela prend du temps. Pouvez-vous expliquer comment il se fait que depuis trois semaines déjà, alors que vous étiez censé avoir pris des mesures pour corriger la situation, les files d’attente s’allongent plutôt que de raccourcir?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Écoutez, la question est sérieuse, je vais tenter de répondre de façon sérieuse. Je ne comprends pas toutes les raisons pour lesquelles nous sommes confrontés à ce problème. Je suis au courant. Je vous ai répondu selon les informations que j’avais. Quant aux raisons pour lesquelles les choses ne se sont pas améliorées aussi rapidement que nous l’aurions souhaité, je n’ai pas la réponse à cette question. Je vais tenter de le savoir. Je serais tenté de dire que lorsqu’on met quelque chose en place, il faut un peu de temps pour voir les choses bouger et s’améliorer.
En toute franchise, je n’ai pas les détails pour bien répondre à votre question en ce qui concerne les raisons pour lesquelles les délais sont toujours présents.
Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, on ne sent pas de leadership. On ne sent pas la présence du ministre ou de la ministre. On ne sent pas la présence du premier ministre. On a l’impression que les bureaucrates sont laissés à eux-mêmes. Donc, y a-t-il un pilote dans l’avion?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Tout ce que je peux vous dire, c’est que le gouvernement y travaille, y compris sur le plan politique et également au niveau des sous-ministres, des fonctionnaires et des employés.
[Traduction]
La santé
L’étiquetage des aliments
L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle concerne la proposition de Santé Canada d’exiger qu’un avertissement indiquant « teneur élevée en gras saturés » soit apposé sur les emballages de porc et de bœuf hachés vendus au détail.
Comme le soulignait hier le sénateur Plett, ce petit avertissement pourrait avoir un impact négatif majeur sur les industries canadiennes du bœuf et du porc. Comme la plupart des autres aliments à ingrédient unique, comme le lait et les œufs, n’ont pas à être assortis d’un tel avertissement, il semble injuste de cibler le bœuf haché.
En outre, il ne faut pas oublier qu’inciter les gens à cesser de consommer du bœuf haché pourrait avoir d’autres conséquences négatives, parce que, premièrement, le bœuf haché contient du fer, du zinc et d’autres nutriments essentiels à une diète équilibrée et que, deuxièmement, en raison des problèmes actuels de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, de l’inflation galopante et du coût des aliments, le bœuf haché permet aux consommateurs d’obtenir ces nutriments à un coût moindre que d’autres coupes de bœuf.
Monsieur le leader, hier, vous avez affirmé que les Canadiens continueraient d’acheter du bœuf haché. Le gouvernement réalise‑t‑il que le coût de ce nouvel étiquetage sera refilé aux consommateurs, ce qui rendra le bœuf haché plus coûteux, alors que les familles n’ont pas les moyens de payer plus cher? Merci.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Le gouvernement estime que les étiquettes qui fournissent de l’information aux consommateurs sont un important outil pour aider les Canadiens à faire des choix alimentaires judicieux et à mieux comprendre les conséquences de leurs choix.
Le gouvernement continuera de collaborer avec des experts du milieu scientifique ainsi qu’avec des intervenants pour s’assurer que les renseignements fournis aux Canadiens sont appropriés.
Ces étiquettes sont efficaces. Par exemple, au Chili, où on a adopté l’étiquetage, après à peine un an et demi d’application, les autorités ont constaté une amélioration considérable des habitudes alimentaires.
Je ne peux pas dire ce qu’il en est pour tous les ménages canadiens, mais je peux vous assurer que chez moi, nous continuons à manger du bœuf, mais qu’au fil des ans, pour des considérations de santé, nous avons modéré la consommation de certains aliments pour les remplacer par d’autres. À la maison, nous continuons à apprécier le bœuf, mais nous avons aussi fait des choix en tenant compte de ce qui est le mieux pour notre santé, dans l’immédiat et à long terme.
Le gouvernement a adopté exactement la même approche en ce qui concerne le bœuf et le porc, pour fournir aux Canadiens l’information dont ils ont besoin et qu’ils méritent pour choisir librement ce qu’ils souhaitent manger.
Le Sénat
Hommages aux pages à l’occasion de leur départ
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, cette semaine, nous allons rendre hommage aux pages du Sénat qui vont nous quitter cet été. La page du Sénat A.J. Hancock nous quittera et, malheureusement, elle ne peut pas être parmi nous aujourd’hui, mais elle vient d’obtenir un baccalauréat ès arts avec spécialisation en histoire et mineure en économie de l’Université d’Ottawa. Elle entreprendra sa maîtrise ès arts en histoire cet automne à l’Université d’Ottawa, où elle se concentrera sur l’histoire du consommateur canadien. Elle est ravie de poursuivre ses études supérieures avec une bourse d’études complète.
(1500)
A.J. est heureuse d’avoir eu l’occasion de travailler en tant que page du Sénat, au sein d’une équipe remarquable. Merci, A.J., de l’excellent travail que vous avez accompli et de votre dévouement.
Des voix : Bravo!
[Français]
Son Honneur le Président : Anne-Frédérique Gour vient de terminer son baccalauréat en études internationales et langues modernes à l’Université d’Ottawa. Suivant l’obtention de son diplôme et la fin de ses deux années en tant que page au Sénat, durant lesquelles elle représentait la province de Québec, elle espère continuer à travailler dans le service public. Anne-Frédérique aimerait remercier chacun et chacune d’entre vous d’avoir rendu cette expérience riche, unique et mémorable.
Merci beaucoup, Anne-Frédérique.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Son Honneur le Président : Caleb Rudyk vient d’obtenir son baccalauréat en sciences biopharmaceutiques avec une spécialisation en génomique de l’Université d’Ottawa. Il a été très fier de pouvoir représenter sa ville de Vegreville, en Alberta, en tant que page au Sénat du Canada cette dernière année. Caleb Rudyk espère continuer à travailler dans la fonction publique l’année prochaine et il aspire à étudier le droit afin de travailler dans le domaine juridique de l’industrie pharmaceutique.
Il est très reconnaissant d’avoir eu l’occasion de servir au Sénat aux côtés de collègues aussi merveilleux et il n’oubliera jamais cette expérience incroyable.
Merci beaucoup de votre excellent travail, Caleb Rudyk.
Des voix : Bravo!
ORDRE DU JOUR
Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures)
Troisième lecture—Débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Bovey, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures), tel que modifié.
L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel.
Au cours des deux dernières années, le système de justice pénale du Canada — comme presque toutes les sphères de la société — a dû s’adapter rapidement et substantiellement pour fonctionner malgré la distanciation sociale forcée et une myriade d’autres défis posés par la COVID-19. Devant mettre à l’épreuve leurs technologies de communication modernes, la plupart des organisations ont trouvé des moyens de faire progresser l’efficacité, la fonctionnalité et la commodité, qui perdureront certainement au‑delà de la pandémie.
Ayant pratiqué le droit pendant de nombreuses années et étant membre du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles pendant son étude approfondie des délais dans le système de justice, qui s’est déroulée sur 18 mois, je suis parfaitement consciente du problème des délais excessifs et de la nécessité d’innover et de moderniser notre système de justice pénale. Cependant, alors que le système judiciaire réfléchit à la façon de changer à l’ère du numérique, l’intégrité des processus judiciaires du Canada doit rester prioritaire et ne devrait jamais être compromise pour des raisons de commodité.
Le projet de loi S-4 permet le maintien de nombreux processus électroniques dont l’utilisation a commencé pendant les confinements initiaux liés à la COVID. Cependant, il rend permanente l’option des comparutions virtuelles avant que nous ayons suffisamment de données et d’expérience pour en évaluer l’incidence. J’ai une appréhension particulière à l’égard de la proposition qui vise à permettre à un accusé de comparaître et de témoigner par vidéo à son procès criminel. En vertu de ce projet de loi, tous les procès criminels, tant pour les infractions sommaires que pour les actes criminels, et quelle que soit la gravité de l’infraction, pourraient être menés de cette façon.
Ce que je trouve le plus préoccupant, c’est l’effet que cela pourrait avoir sur la capacité d’un juge d’évaluer la crédibilité de l’accusé. Ceux d’entre nous qui ont passé beaucoup de temps dans un tribunal savent qu’il s’agit là d’un facteur essentiel dans presque tous les procès criminels. Même si nous sommes encore très loin de comprendre complètement l’effet global qu’a le fait de mener à distance des comparutions, des discussions et des procédures qui ont toujours eu lieu en personne, les données disponibles sont une source de préoccupation.
Selon un rapport du Government Accountability Office des États‑Unis sur les tribunaux de l’immigration publié en 2017, dans la moitié des cas, les juges des tribunaux participant à l’étude ont mentionné des affaires où leur évaluation de la crédibilité avait changé entre une audience par vidéoconférence et une audience subséquente en personne. Dans une affaire, un juge de l’immigration a été incapable de repérer le handicap cognitif d’un demandeur par vidéo, qu’il a par la suite jugé manifeste lorsqu’il l’a vu en personne. Dans une autre affaire, la mauvaise qualité sonore a mené à une mauvaise compréhension des faits, qui n’a été clarifiée que lorsque le demandeur a comparu en personne. Au bout du compte, ce changement dans l’évaluation de la crédibilité a modifié la décision du juge.
Une autre étude menée par les professeurs de psychologie suédois Sara Landström, Karl Ask et Charlotte Sommar a conclu qu’il y avait une différence marquée entre la crédibilité perçue à partir d’un témoignage par vidéo comparativement à un témoignage en personne. Les auteurs ont décrit un « effet de vivacité » alors que les témoignages en personne sont « émotionnellement intéressants [...] et ils ont un effet de proximité sur les plans sensoriel, temporel et spatial », en plus d’être généralement « perçus comme plus crédibles » et « plus faciles à garder en mémoire ».
Dans un article publié dans le Tulane Law Review, la professeure de droit Anne Bowen Poulin présente une documentation abondante qui permet de déduire que la vidéoconférence peut avoir une influence négative sur la manière dont l’accusé est perçu par les personnes présentes à la cour ainsi que sur les services de représentation qu’il reçoit. Par ailleurs, l’auteure indique que « quand les décideurs interagissent avec l’accusé par l’entremise d’un outil technologique, les probabilités sont plus élevées qu’ils soient moins empathiques à l’impact de leurs décisions négatives sur l’accusé ».
En comité, la sénatrice Pate a parlé de la recherche menée à l’Université de Surrey, en Angleterre, où l’on a examiné les avantages des audiences à distance. On a conclu que les accusés avaient plus de risques d’être incarcérés à la suite des audiences par vidéo, tandis que les suspects dont le dossier était administré à distance avaient moins de chance d’obtenir des services de représentation.
Des témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial des affaires juridiques ont soulevé d’autres enjeux concernant les vidéoconférences. Emilie Coyle, directrice générale de l’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry et fille de la sénatrice Coyle, a parlé de la stigmatisation que peut subir un accusé qui comparaît par vidéoconférence depuis la prison, souvent vêtu comme un prisonnier, au lieu de porter, par exemple, un complet donné par sa famille. Cette situation peut renforcer dans l’esprit du juge l’idée que la personne qu’il voit dans un milieu carcéral pendant les procédures devrait peut-être rester incarcérée, ce qui pourrait créer un préjugé en faveur d’un verdict de culpabilité.
Mme Coyle a ajouté :
[...] j’ai dit que notre société jugeait les gens qui étaient en prison sans comprendre leur histoire [...]
Comme nous avons cette idée que les gens en prison sont de mauvaises personnes, ce jugement pourrait donner lieu, dans le cas d’un procès, à un résultat qui aurait peut-être été différent si la personne n’était pas en prison.
Pour sa part, Mark Knox, du Conseil canadien des avocats de la défense, a parlé pendant son témoignage d’un « risque de dérive » et du fait que « l’on délaisse le caractère humain, le décorum et tous ces facteurs qui sont présents lors d’un procès qui se déroule, du début à la fin, devant un tribunal ». Il nous a mis en garde contre une « mise en œuvre précipitée » de ces supposées modernisations « par souci d’efficacité ».
Lorsque je l’ai interrogé sur un amendement visant à supprimer la possibilité d’avoir des procès par vidéo tout en laissant les autres procédures telles que proposées, il a répondu :
Je suis d’accord avec vous [...] nous pourrons avoir recours à d’autres méthodes et voir comment elles fonctionnent.
Le comité a aussi entendu Mme Eva Tache-Green, de Nunavut Legal Aid. Elle nous a dit que 24 des 25 communautés du Nunavut n’ont pas la technologie nécessaire pour tenir des vidéoconférences devant les tribunaux. Par coïncidence, au début de son témoignage, son visage s’est figé et le message « la bande passante du réseau est faible » est paru à l’écran. Elle se trouvait dans un bureau d’aide juridique doté d’une connectivité comparativement élevée, et même dans ces conditions, sa capacité à communiquer avec le comité a été entravée. Elle a donc dû faire le reste de son témoignage en utilisant uniquement l’audio, après avoir désactivé la caméra.
Lorsque je lui ai demandé son avis sur l’amendement, elle s’est dite d’accord, suggérant de ne pas rendre tout de suite la vidéoconférence disponible pour les procès et de commencer par des « [...] procédures qui sont moins risquées. » Elle a ajouté :
Je suis très préoccupée par la possibilité que des procès se déroulent avec un accusé qui est, bien sûr, la personne qui a le plus à perdre, et qui risque d’être exclue de la procédure en raison d’une défaillance technologique.
Chers collègues, même la meilleure technologie a ses limites. Il suffit de penser à nos travaux et aux limites que le fonctionnement hybride du Parlement a placées sur notre capacité de faire notre travail. Nous avons souvent des problèmes de connectivité, et nous sommes sur la Colline du Parlement, dans la capitale du Canada, avec des technologies de pointe et un important service technique. Parfois, un sénateur situé dans une région plutôt éloignée perd sa connexion, mais il arrive aussi souvent que nous perdions notre connexion avec un sénateur qui est dans son bureau à domicile dans une grande ville canadienne ou, pire encore, dans son bureau sur la Colline du Parlement.
On ne peut qu’imaginer les problèmes importants qu’auraient les tribunaux s’ils tentaient de se fier à la technologie vidéo pour les régions nordiques, rurales et éloignées. Par exemple, il n’est pas étonnant qu’il y ait de grandes lacunes technologiques dans le Nord de la Saskatchewan, mais il y a des palais de justice à Regina qui n’ont toujours pas le WiFi. Il n’est pas question ici de rester connectés pour un discours de 15 minutes sur Zoom; il peut y avoir des heures de témoignages de l’accusé.
Dans mon étude soigneuse de cet amendement, j’ai consulté plusieurs personnes qui travaillent dans les tribunaux et qui participent à des procédures pénales tous les jours, y compris des avocats de la défense et des juges de cours provinciales et de la Cour du Banc de la Reine. J’ai parlé à des juges qui étaient initialement enthousiastes au sujet de l’utilisation de la technologie vidéo pour les procès criminels, mais qui ont complètement changé d’avis après l’avoir vue en pratique ces deux dernières années. Ils croient fermement au bien-fondé des méthodes qui permettent des gains d’efficacité en dehors des procès, comme les ajournements par courriel, les plaidoyers de culpabilité par vidéo, etc., mais ils ont été à même de constater que beaucoup de détails se perdent quand on tient un procès par vidéo.
Les enjeux sont tout simplement trop importants. Je me suis entretenu avec un juge qui a présenté un excellent argument. Un tribunal, c’est un endroit sérieux, et tout à l’intérieur d’une salle d’audience — que ce soit l’aménagement, la tribune surélevée, les toges que portent les juges ou l’exigence de s’adresser à eux en disant « Votre Honneur » ou « Votre Seigneurie » — évoque un sentiment de sérieux, d’austérité et de respect. C’est essentiel pour que les gens qui témoignent soient plus susceptibles de se sentir tenus de respecter leur serment et les décisions du juge. Il n’y a pas de comparaison possible entre prêter serment par vidéo et prêter serment sur la Bible dans une salle d’audience bondée où peuvent se trouver la victime, l’accusateur, des journalistes et des proches.
(1510)
Lorsque l’accusé est assis sur son divan chez lui ou en prison, non seulement cela compromet son droit de consulter adéquatement son avocat, mais il ne fait aucun doute que cela rend le serment moins solennel. On peut sérieusement craindre que le respect envers la cour et le processus judiciaire se détériore au fil du temps, au grand détriment de tous.
Des juges ont raconté des exemples troublants observés dans les deux dernières années. Par exemple, un accusé, qui témoignait assis sur son divan, a carrément injurié le juge, une personne a témoigné dans sa douche pendant un procès pénal et, plus troublant encore, une victime de violence conjugale a témoigné de chez elle alors que son conjoint était dans la pièce d’à côté. Dans ces circonstances, les témoignages par vidéo ont empêché les juges d’exercer tout contrôle sur le déroulement du procès.
Dans bien des procès pour agression sexuelle, c’est souvent la parole de l’un contre la parole de l’autre. Dans bien des cas, si l’accusé témoigne par vidéo, le juge n’est plus en mesure d’évaluer le comportement ou même d’observer les interactions entre la personne accusée et celle qui l’accuse, comme il peut normalement le faire dans la salle d’audience. On ne devrait pas sous-estimer les conséquences de cette situation.
Les juges de première instance ont reçu la formation nécessaire pour évaluer dans un tribunal la crédibilité des témoins, y compris celle d’un défendeur, et cette évaluation est considérée comme étant extrêmement précieuse. D’ailleurs, l’évaluation de la crédibilité faite par un juge de première instance ne doit pas être renversée par une cour d’appel, sauf dans des circonstances très rares. Cela s’explique parce que les juges de première instance peuvent évaluer la crédibilité d’une personne qui se tient devant eux, pas à distance.
Quand j’ai présenté mon amendement au Comité des affaires juridiques pour éliminer la vidéoconférence des procès criminels, le sénateur Campbell, indiquant qu’il avait témoigné à de nombreux procès, a rappelé au comité qu’« un procès ce n’est pas une mince affaire, surtout pour celui qui est accusé ».
Il a aussi ajouté : « Je ne crois pas que l’on puisse écarter la question de la crédibilité. Je pense qu’elle est primordiale dans tous les cas. »
Il a ensuite poursuivi en disant :
Je vais voter en faveur de cet amendement. Je ne crois pas que ce soit un pas en arrière. Je pense que l’on protège ainsi les Canadiens des aléas d’une technologie qui n’est pas encore suffisamment perfectionnée.
Puis, en appui à cet amendement, le sénateur White a demandé si les conséquences sur les victimes et l’importance de leur capacité à participer pleinement à un procès avaient été adéquatement prises en considération dans le cadre de ce projet de loi. Il a dit :
J’estime qu’il faut apprendre à marcher avant de songer à courir. Je ne suis pas convaincu que nous avons pu démontrer au cours des deux dernières années que nous pouvions marcher sans difficulté.
Au lieu d’adopter les amendements fort raisonnables que le sénateur Carignan et moi avions présentés, le Comité des affaires juridiques a décidé de joindre plusieurs observations en annexe pour réitérer les très graves préoccupations des témoins que nous avons entendus — des préoccupations au sujet de l’accès inéquitable aux technologies et à l’interprétation, ainsi qu’à propos de la protection de la vie privée, de la sécurité, de la confidentialité et de la possibilité pour un accusé de s’entretenir avec son avocat. Une observation va même jusqu’à préciser que des témoins « se sont inquiétés du fait que ces droits n’étaient pas suffisamment respectés ».
Honorables sénateurs, de telles conclusions ne devraient pas faire l’objet d’observations, mais plutôt mener à des amendements. Si le gouvernement Trudeau veut se traîner les pieds et ignorer les examens parlementaires obligatoires prévus dans la loi, comment peut-on espérer qu’une simple observation attire son attention?
En ce qui concerne l’amendement que je présente aujourd’hui, certains ont fait valoir que le risque est minime parce que toutes les parties doivent donner leur consentement. Cependant, de nombreux témoins ont exprimé des inquiétudes au sujet du concept même de consentement dans ce contexte, surtout en raison du très grand déséquilibre des pouvoirs qui pourrait nuire à la capacité d’un accusé à prendre librement des décisions éclairées.
Maître Emilie Coyle de l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry a dit qu’une personne accusée peut se faire dire qu’elle fera face à des retards si elle ne choisit pas de donner son consentement à une participation virtuelle. Si les accusés ne sont pas parfaitement conscients de ce qui est en jeu, s’ils renoncent à la traditionnelle comparution en cour, peut-on honnêtement dire qu’il s’agit d’un choix libre? Imaginez un peu les contestations fondées sur la Charte pouvant découler du fait qu’un accusé s’est fait dire par son avocat qu’il s’agit de son unique option, ou que cette option lui permettrait de passer moins de temps en prison ou de lui économiser de l’argent. Il est facile de prévoir que si l’accusé accepte l’offre, puis qu’il est reconnu coupable, il contestera plus tard la décision en prétextant que ses droits garantis par la Charte ont été violés.
Certains soutiennent que ce n’est pas un problème parce que le juge peut simplement décider de ne pas donner son autorisation. En théorie, on ne pourrait voir aucune raison de ne pas permettre la tenue d’un procès par vidéoconférence. Un juge pourrait estimer que les problèmes imprévus de connectivité sont des problèmes mineurs, mais il ne saura jamais vraiment ce qui lui a échappé. Il se peut même qu’un procès par vidéoconférence semble s’être bien déroulé. Toutefois, les juges sont des êtres humains, et les recherches indiquent clairement qu’il y a des éléments intangibles et qualitatifs qui passent inaperçus dans une vidéoconférence, ce qui donnera probablement lieu à une évaluation incomplète, voire inexacte, de l’accusé, même de la part des juges les plus expérimentés et bien intentionnés.
Soyons clairs, l’amendement que je propose ne supprime pas la possibilité de recourir à la vidéoconférence pour les accusés dans les procès au criminel. En fait, mon amendement permettrait à l’accusé d’utiliser cette technologie pour toutes les autres procédures et comparutions judiciaires permises par le projet de loi S-4, notamment la libération sous caution, les enquêtes préliminaires, les plaidoyers et la détermination de la peine. Ma proposition vise simplement à éliminer cette option pour les procès eux-mêmes et laisse cette possibilité pour les affaires « moins importantes ». Il s’agit d’une proposition de compromis prudente.
Comme l’ont souligné les juges avec qui je me suis entretenue, la disposition permettant d’opérer de cette façon en cas d’urgence figure déjà dans le Code criminel. Si un autre confinement doit être observé, ils peuvent avoir recours à la vidéoconférence au besoin. Leur préoccupation, c’est que le projet de loi S-4 porte à croire que le procès par vidéoconférence est la méthode privilégiée par défaut ou à l’avenir. Or, il est clair que le fait d’adopter cette approche par défaut présente des risques considérables.
Je conclurai par une citation du Barreau du Québec, qui a recommandé au Comité des affaires juridiques d’exclure toute preuve testimoniale par vidéoconférence. Pour commencer, les avocats de cette association travaillent sur le terrain tous les jours, et ils ont déclaré ce qui suit :
Dans le cadre d’un procès en présentiel, une simple note passée à l’avocat, ou encore un regard qui lui est adressé par le juge ou un témoin sont susceptibles de faire bifurquer son intervention et peuvent avoir un impact important sur sa stratégie et sur l’issue du procès.
Ils ajoutent qu’en vertu de ce projet de loi : « [...] le procès à distance s’impose davantage comme le principe et non pas comme l’exception ».
Rejet de la motion d’amendement
L’honorable Denise Batters : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que le projet de loi S-4 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 46 :
a) à la page 21, par suppression des lignes 5 à 17;
b) à la page 22, par substitution, à la ligne 3, de ce qui suit :
« déoconférence lors de toute procédure — à l’exception d’un procès pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou pour un acte criminel — à l’égard de la- ».
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Batters, jusqu’à présent, je vois trois sénateurs qui aimeraient vous poser une question. Demandez-vous quelques minutes de plus pour répondre à des questions?
La sénatrice Batters : Je demanderais cinq minutes de plus. Merci.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils d’accord?
Des voix : D’accord.
L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, puisque le temps est limité, je vais condenser ma question et ma question complémentaire en une seule intervention.
Sénatrice Batters, je serais portée à approuver votre analyse, mais je n’étais pas présente au comité. Une partie de notre travail, en particulier lorsqu’un amendement est présenté à l’étape de la troisième lecture — ce qui est tout à fait correct; il n’y a rien de mal à cela — est de comprendre le pour et le contre de ce qui est proposé. Donc, j’aimerais vous demander d’énoncer, du mieux que vous le pouvez, les arguments contre votre amendement. Comme nous le savons, le comité l’a rejeté. Quelle était la teneur des discussions des sénateurs à son sujet? Pourquoi s’y opposaient-ils? Quelles étaient les raisons invoquées par les témoins qui ne partageaient pas votre opinion et qui étaient ces témoins? Merci beaucoup.
La sénatrice Batters : Merci, sénatrice Lankin. J’ai en fait tenté d’aborder certains de ces problèmes dans mon discours, parce que je savais qu’ils allaient peut-être être soulevés. Le principal point est probablement que, eh bien, les juges n’ont pas à être d’accord. Ils peuvent simplement être en désaccord.
Mon point de vue à ce sujet, comme je l’ai dit dans mon discours, est que, d’abord, il est possible qu’il ne semble y avoir aucune raison d’empêcher la tenue de procès par vidéoconférence jusqu’à ce qu’ils aient lieu. Ce n’est qu’après, comme je l’ai expliqué dans les exemples que j’ai donnés des recherches menées dans d’autres pays, que les conséquences fâcheuses peuvent se manifester.
De plus, il arrive parfois que la vidéo se fige. L’accusé pourrait être chez lui, devant son écran, et ne pas se rendre compte qu’on ne le comprend pas bien et qu’une partie importante de son témoignage a été perdue avant qu’il soit trop tard.
L’honorable Paula Simons : La sénatrice Batters accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Batters : Oui.
La sénatrice Simons : L’argument que vous présentez est très convaincant et certaines des choses que vous avez dites sont très troublantes. Ce qui m’inquiète, je crois, c’est que, compte tenu de l’arriéré actuel des tribunaux, advenant une flambée d’un nouveau variant de la COVID à l’automne... vous avez dit qu’il existait une disposition d’urgence. Serait-il facile d’avoir recours à cette disposition? Même si les préoccupations que vous avez soulevées semblent légitimes, je m’inquiète de la possibilité qu’une autre flambée survienne et que des procès soient reportés au point de créer de graves problèmes.
(1520)
La sénatrice Batters : Merci beaucoup. Oui, les dispositions d’urgence utilisées sont les mêmes qu’on utilise depuis deux ans. Je pense que c’est le projet de loi C-75, qui a été adopté il y a quelques années, qui a intégré une disposition au Code criminel. Dans les tribunaux de tout le pays, les juges l’appliquent depuis deux ans afin de pouvoir utiliser la vidéoconférence ou l’audioconférence pour tenir leurs procès en cour criminelle. Ainsi, il y a eu un projet pilote. C’est pourquoi les juges sont en mesure de me dire que le projet pilote s’est avéré un échec désastreux, surtout en ce qui a trait aux procès. Cependant, cela fonctionne bien pour d’autres types de procédures. C’est pour cette raison que je limite mon amendement aux procès.
Cette disposition précise existe déjà dans le Code criminel et on s’en sert depuis deux ans. On veut simplement la rendre permanente. J’ai cité le Barreau du Québec, qui craint que cela devienne une disposition par défaut à l’avenir, c’est-à-dire que les procès par vidéoconférence seraient toujours la façon de faire.
L’honorable Brent Cotter : Sénatrice Batters, accepteriez-vous de répondre à une question?
La sénatrice Batters : Oui.
Le sénateur Cotter : Je vous invite à reconnaître avec moi que les dispositions proposées à l’article 715.23 du projet de loi indiquent très clairement que la décision de permettre ou non un procès par vidéoconférence relève du juge. De plus, avant de décider de tenir un procès par vidéoconférence, le juge doit tenir compte d’une série de critères, dont le droit de l’accusé ou du contrevenant à un procès public et équitable. Ensuite, toujours au sujet des procès, la disposition donne à l’accusé le pouvoir et la possibilité de refuser de participer à un procès par vidéoconférence.
Convenez-vous, malgré vos inquiétudes, que ces dispositions se trouvent actuellement dans le projet de loi?
La sénatrice Batters : En effet, un certain nombre de ces préoccupations sont déjà réglées. Le sénateur Carignan a toutefois tenté d’apporter un amendement qui aurait fourni plus de précision. Comme je l’ai dit pendant mon discours, il peut y avoir différents enjeux dont le juge n’aura peut-être pas conscience immédiatement. La nature humaine étant ce qu’elle est, il ne se rendra peut-être pas compte des difficultés qu’il éprouve; c’est un phénomène dont nous sommes conscients grâce aux recherches menées dans d’autres pays.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’interviens brièvement dans le débat pour parler de l’amendement proposé par la sénatrice Batters. Je vous remercie de votre intervention, sénatrice.
Pour résumer, l’amendement proposé supprimerait la possibilité de tenir un procès en mode virtuel, tant dans le contexte d’une déclaration de culpabilité par procédure sommaire que dans le cas d’une poursuite par voie de mise en accusation. En effet, l’amendement supprimerait la possibilité expresse pour l’accusé de comparaître à distance pendant toute la durée d’un procès sur déclaration sommaire de culpabilité ou d’un procès par voie de mise en accusation et il limiterait encore plus ce qui est expressément permis à un accusé à l’heure actuelle, c’est-à-dire de comparaître à distance dans ces cas. Pour ces raisons, l’amendement représente des changements importants qui vont à l’encontre de l’intention et de l’objet du projet de loi S-4, qui consistent à élargir et à préciser la possibilité pour un accusé de comparaître à distance, en particulier à assister à son procès à distance.
D’après ce que j’ai compris, de nombreux membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ont fait remarquer, tout comme de nombreux témoins qui ont participé aux délibérations du comité, qu’à l’heure actuelle, notamment en raison de la pandémie de COVID-19, il n’y a pas vraiment de retour en arrière possible, ce qui serait le cas si des amendements étaient apportés pour empêcher les procès virtuels dans leur intégralité ou même seulement ceux où l’on recueille la déposition d’un témoin, comme je pense que le laissaient entendre les questions déjà posées.
Honorables sénateurs, il est important de souligner que le projet de loi S-4 contient plusieurs mécanismes de protection pour répondre à ces préoccupations, y compris une liste de facteurs servant à déterminer s’il faut permettre ou exiger que la comparution d’un accusé ou d’un contrevenant se déroule à distance, ainsi que la permission accordée aux tribunaux de mettre fin à l’utilisation de la comparution à distance à tout moment et d’exiger une comparution en personne s’ils l’estiment « indiquée dans les circonstances ». Je crois que la question du sénateur Cotter parlait de ces éléments.
Il est également important de noter que beaucoup d’intervenants, y compris les provinces, les territoires, ainsi que de nombreux juges et avocats de la défense sont impatients que le projet de loi S-4 soit adopté, en particulier les dispositions qui autorisent expressément les accusés à comparaître par vidéoconférence lorsque l’on recueille un témoignage, sauf dans le cas d’un procès devant jury.
De plus, je crois savoir que cet amendement a été proposé et longuement discuté au comité, mais qu’il n’a pas été accepté par le comité, dont je respecte le travail, à l’instar de vous tous. Pour ces raisons, honorables sénateurs, je vous exhorte respectueusement à ne pas appuyer l’amendement. Merci beaucoup.
Des voix : Bravo!
La sénatrice Batters : Sénateur Gold, il y a une question que je n’ai pas eu le temps de soulever dans mon discours, mais dont je voulais parler. Je vais donc vous demander votre avis à ce sujet. Lorsque j’ai parlé de cette proposition à des juges, ils ont déduit que le gouvernement voulait améliorer l’accès à la justice. Ils ne voyaient pas pour quelle autre raison le gouvernement voudrait mettre en place de telles mesures. Ils ont cependant fait valoir que, même si le gouvernement voulait vraiment améliorer l’accès à la justice de façon importante, on n’aurait pas les ressources pour le faire, et que, si on ne fournit pas ces ressources, ces mesures seront inutiles. Selon eux, pour résoudre les problèmes d’accès à la justice, il vaudrait bien mieux que le gouvernement dote les postes de juge vacants pour prévenir les retards dans le système judiciaire, et qu’il finance adéquatement les services d’aide juridique. Que répondez-vous à cela?
Le sénateur Gold : L’accès à la justice est un sujet qui me préoccupe, à juste titre, depuis l’époque où j’ai fait mes études de droit, il y a de nombreuses années. Il reste beaucoup à faire, comme nous l’avons dit souvent dans cette enceinte.
La meilleure réponse que je puisse donner, c’est qu’il faut tenir compte du travail réalisé par le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, qui a entendu des témoins, qui a étudié votre amendement et d’autres propositions d’amendement, et qui, pour toutes les raisons connues du comité, a décidé de ne pas retenir l’amendement.
Le gouvernement partage cette position, pour les raisons que j’ai soulignées.
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Sénatrice Batters, merci de votre amendement. Je veux prendre la parole pendant quelques minutes pour informer les sénateurs qu’en ce qui concerne un procès pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, le projet de loi indique que le tribunal « peut [le] permettre ». Selon les circonstances, le tribunal peut le permettre « avec le consentement de l’accusé et du poursuivant » si l’accusé n’est pas sous garde. S’il est sous garde, le tribunal peut les permettre avec le consentement de l’accusé.
En ce qui concerne un procès pour un acte criminel, le tribunal « peut [le] permettre ». Honorables sénateurs, je dis « peut », parce que ce n’est pas « doit ». Le tribunal n’y est pas tenu. Selon les circonstances, le tribunal peut permettre à un accusé de comparaître par vidéoconférence, « avec le consentement du poursuivant et de l’accusé », sauf « durant la présentation de la preuve au jury ». L’accusé doit alors comparaître au tribunal.
Pour un plaidoyer, « le tribunal peut, avec le consentement du poursuivant et de l’accusé ». Pour la détermination de la peine, le tribunal peut le permettre « avec le consentement du poursuivant et de l’accusé ».
Honorables sénateurs, je ne parlerai pas au nom de tous ceux qui ont appuyé ou non cette mesure, mais il a été très clair que le tribunal « peut permettre ». À l’évidence, je n’ai pas parlé aux mêmes juges que la sénatrice Batters, mais à la lecture du projet de loi, on constate que le tribunal « peut permettre ». Ainsi, les juges qui sont en désaccord ne sont pas tenus de permettre la tenue du procès par vidéoconférence. On peut le lire dans le projet de loi. Le tribunal « peut permettre » avec le consentement de l’accusé et celui du poursuivant. Honorables sénateurs, je crois qu’il y a suffisamment...
Le sénateur Plett : Le consentement de l’accusé...
La sénatrice Jaffer : Oui, sénateur Plett, j’ai bien dit avec « le consentement de l’accusé ». Vous pourrez en débattre plus tard. C’est à mon tour de prendre la parole. Ce que je vous dirais, honorables sénateurs, c’est qu’il était évident pour nous que la loi prévoyait suffisamment de mesures de protection pour tenir les procès. Il ne s’agit pas de tous les procès. Par exemple, si la technologie nécessaire n’est pas accessible, le procès n’aurait évidemment pas lieu par vidéoconférence; l’accusé devrait comparaître en personne. Le tribunal « peut permettre » ces façons de procéder dans certaines circonstances seulement. Honorables sénateurs, vous ne devez pas oublier qu’il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’une possibilité.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente intérimaire : D’autres sénateurs veulent-ils participer au débat? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
(1530)
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d’amendement veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion d’amendement veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.
Et deux honorables sénateurs s’étant levés :
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sommes-nous d’accord pour que la sonnerie retentisse pendant 15 minutes?
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Convoquez les sénateurs.
(1540)
La motion d’amendement de l’honorable sénatrice Batters, mise aux voix, est rejetée :
POUR
Les honorables sénateurs
Ataullahjan | Oh |
Batters | Pate |
Black | Patterson |
Carignan | Plett |
Dagenais | Poirier |
Deacon (Ontario) | Quinn |
Downe | Ravalia |
Housakos | Seidman |
Lankin | Smith |
MacDonald | Tannas |
Manning | Wallin |
Marshall | Wells |
Martin | White—27 |
McCallum |
CONTRE
Les honorables sénateurs
Arnot | Gignac |
Audette | Gold |
Bellemare | Harder |
Boehm | Hartling |
Bovey | Jaffer |
Busson | Klyne |
Christmas | Kutcher |
Clement | LaBoucane-Benson |
Cordy | Loffreda |
Cormier | Marwah |
Cotter | Massicotte |
Coyle | Mégie |
Dawson | Moncion |
Deacon (Nouvelle-Écosse) | Omidvar |
Dean | Petitclerc |
Duncan | Ringuette |
Dupuis | Saint-Germain |
Forest | Simons |
Francis | Sorensen |
Gagné | Woo |
Galvez | Yussuff—43 |
Gerba |
ABSTENTIONS
Les honorables sénatrices
Miville-Dechêne | Moodie—2 |
(1550)
[Français]
Troisième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Bovey, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures), tel que modifié.
L’honorable Claude Carignan : Je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-4 dont le titre est Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures).
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a étudié attentivement ce projet de loi et produit son rapport le 14 juin. Le sujet le plus discuté par les témoins entendus devant le comité portait sur les enjeux et le potentiel de favoriser le recours à la comparution à distance dans le système de justice pénale. C’est pourquoi mon discours se concentrera sur cet aspect du projet de loi.
Comme on le sait tous, les mesures sanitaires pendant la pandémie ont forcé les tribunaux de tout le pays à substituer les moyens de comparution à distance, à savoir la vidéoconférence et l’audioconférence, à la comparution en personne.
Cependant, bien que la comparution à distance soit dans plusieurs cas avantageuse, elle n’est pas indiquée dans plusieurs autres cas. Il s’agit d’un constat du rapport du comité, qui indique ce qui suit :
De nombreux témoins ont noté que les comparutions à distance par audioconférence ou vidéoconférence peuvent améliorer l’efficacité du système judiciaire et favoriser l’accès à la justice. Certains ont toutefois fait remarquer que ces moyens ne devraient être utilisés que lorsque cela est approprié et ne devraient pas remplacer les procédures en personne lorsque celles-ci permettent de mieux assurer l’équité des audiences et de protéger les droits juridiques des accusés.
Voici un exemple d’une préoccupation sérieuse et légitime entendue pendant l’étude réalisée par le comité sénatorial. Le Barreau du Québec a, tant dans son mémoire que dans son témoignage, recommandé que le projet de loi ne permette pas que l’audition de la preuve testimoniale se fasse au moyen de la comparution à distance. Le mémoire indique ce qui suit :
[…] nous sommes préoccupés par les effets de la visioconférence sur l’évaluation de la crédibilité d’un témoin. La preuve testimoniale, notamment dans des dossiers criminels hautement émotifs, s’apprécie dans les nuances et les détails. À notre avis, le caractère virtuel des témoignages est susceptible d’affecter l’évaluation qui pourra en être faite en cours d’interrogatoire. Selon les cas, la visioconférence peut dissimuler certains tics ou encore, amplifier certaines expressions faciales qui peuvent être mal interprétées par les juges ou les avocats et donc, tromper leur appréciation du langage non verbal.
Pour ces raisons, le barreau recommande dans son mémoire que la preuve testimoniale soit entendue en présence des parties. Autrement dit, il juge nécessaire « [d’]exclure la preuve testimoniale du nouveau régime relatif à l’utilisation de la visiocomparution. »
(1600)
Me Michel Marchand, qui a témoigné au comité à titre de représentant du Barreau du Québec, a donné des exemples très concrets de difficultés observées actuellement dans les palais de justice du Québec, lorsque des témoins sont entendus à distance plutôt qu’en personne lors de la tenue de procès, par exemple. Il a mentionné d’abord que certains palais de justice ne sont pas équipés pour faire de l’interprétation simultanée enregistrée. Il a aussi évoqué le risque qu’un témoin soit, à l’insu du juge, en présence d’une autre personne dans la même pièce de la maison pendant qu’il témoigne.
Cette possibilité m’inquiète grandement lorsqu’on pense qu’un témoin de l’infraction pourrait être en présence d’un proche de l’accusé pendant son témoignage. Ce proche pourrait alors, par sa simple présence, intimider le témoin pour qu’il ne rende pas un témoignage incriminant contre l’accusé.
Outre Me Marchand, d’autres intervenants ont rapporté au comité que le recours à la comparution à distance dans certaines prisons ou certains palais de justice ont empêché des avocats de la défense d’avoir des conversations privées avec leurs clients. Me Marchand et la professeure Nicole Marie Myers ont aussi évoqué la difficulté de s’assurer, dans certains cas, de l’identité d’une personne qui comparaît à distance, en particulier si elle comparaît par téléphone.
[Traduction]
Même si le projet de loi S-4 autorise souvent la tenue d’audioconférences quand les vidéoconférences ne sont pas facilement accessibles, la professeure Myers a désigné au comité un problème important avec la comparution par audioconférence d’un accusé. Je la cite :
[…] l’accusé peut être mis en sourdine dans l’intention de l’empêcher de tenir des propos incriminants. Cela le rend encore plus invisible, ce qui suscite des préoccupations quant au fait qu’il n’est pas vu ni entendu au cours du processus, une conséquence encore aggravée par le fait que son avocat ne se trouve pas avec lui.
[Français]
Je suis aussi préoccupé par le manque d’installations disponibles dans certains pénitenciers du Québec pour qu’un avocat et son client puissent tenir des conversations en privé par vidéoconférence, un enjeu qui a été soulevé au comité sénatorial par l’Association des avocats carcéralistes progressistes.
D’autres problèmes sérieux ont été observés au Canada dans les pratiques qui permettent aux détenus d’assister à distance, plutôt qu’en personne, aux audiences devant le juge.
Je cite par exemple cette histoire racontée par Me Michael Spratt, qui a témoigné au comité à titre de représentant de l’Association des criminalistes. Il a dit ce qui suit :
Il m’est arrivé que, au milieu d’une enquête sur la libération sous caution qui se déroulait au téléphone, car c’est tout ce que nous avions […], un agent est intervenu, disant : « Je suis désolé, nous avons besoin de cette ligne pour appeler un autre tribunal. » Mon client était sur le point d’obtenir sa libération. Le juge a répondu : « Nous sommes au beau milieu d’une enquête sur la libération sous caution. » Cet agent a raccroché. […] Nous avons dû revenir deux jours après. L’accusé a été libéré, mais non sans avoir passé deux jours de plus en détention.
Voilà donc un exemple qui va dans le même sens que l’inquiétude exprimée par la professeure Cheryl Webster et le doctorant Brendyn Johnson. Ceux-ci ont affirmé au comité que la comparution à distance pourrait avoir pour effet d’augmenter — et non de réduire — les délais auxquels doivent faire face plusieurs accusés dans le système judiciaire.
Or, je suis d’avis que les amendements adoptés par le comité sénatorial aideront, dans une certaine mesure, à répondre à certaines craintes. Ces amendements donneront des moyens et des occasions de vérifier, au cours des prochaines années, quel aura été l’effet des mesures du projet de loi S-4 relatives à la comparution à distance sur les délais judiciaires et ainsi, autrement dit, de vérifier l’efficacité de ces mesures pour le système judiciaire afin de proposer des améliorations à la loi, le cas échéant.
Rappelons que ces amendements enjoignent, d’une part, au ministre de la Justice de lancer un examen indépendant sur l’utilisation de procédures à distance dans des affaires de justice pénale et à remettre, au plus tard d’ici cinq ans, un rapport contenant des recommandations, s’il y a lieu. D’autre part, ces amendements exigent, après la production du rapport du ministre, que les dispositions législatives mises en place par le projet de loi S-4 soient examinées par un comité du Sénat et un comité de la Chambre des communes. Ces comités devront produire des rapports contenant, s’il y a lieu, leurs recommandations de modifications à ces dispositions législatives.
Voici un dernier exemple de critique que nous avons entendue sur le recours à la comparution à distance favorisé par le projet de loi S-4. Peut-on dire que les accusés incarcérés consentent librement à comparaître par vidéoconférence ou audioconférence lorsqu’on leur propose une date de comparution plus rapprochée que s’ils choisissent de comparaître en personne au tribunal?
À vrai dire, je vois un risque si le projet de loi S-4 est adopté. Je crains que le système de justice criminelle, en particulier pour les accusés ou les témoins détenus, ne recoure de plus en plus souvent à l’avenir à la comparution à distance pour des raisons de commodité administrative, et non parce qu’il s’agit, pour toutes ces personnes, de l’option la plus avantageuse et la plus équitable pour participer aux procédures judiciaires.
Cela dit, je souligne tout de même que le projet de loi S-4 offre des avantages dans plusieurs dossiers, notamment en rendant plus efficace le travail des avocats, au bénéfice de leurs clients. J’ai décrit ces avantages dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture. Dans ce contexte, j’appuie l’adoption du projet de loi S-4y, car je suis d’avis que, malgré ses imperfections, il assurera une plus grande flexibilité au système judiciaire en donnant aux accusés plus de possibilités de recourir à la comparution à distance, ce qui contribuera à une meilleure administration de la justice.
Je rappelle que ce projet de loi contient une garantie importante pour protéger les accusés sur laquelle la plupart des témoins au comité sénatorial se sont entendus. Il s’agit de l’interdiction de recourir à la comparution à distance à certaines étapes charnières de la procédure judiciaire en matière criminelle, sauf si les parties — le poursuivant et l’accusé — y consentent. Cette garantie procédurale aura pour effet, par exemple, qu’un procès devra se tenir en personne si l’accusé ne consent pas à ce qu’il se tienne par vidéoconférence.
Je vous invite donc à adopter quand même ce projet de loi, y compris sa partie portant sur la comparution à distance.
D’ailleurs, je suis tout à fait d’accord avec les propos qu’a tenus le sénateur Dalphond lors de son discours la semaine dernière, en ce qui a trait à l’appui de deux mesures spécifiques du projet de loi. La première est celle qui donne davantage de possibilités aux policiers de demander à un juge, sans avoir à se rendre physiquement au palais de justice, des mandats de perquisition, d’arrestation dans une maison d’habitation ou d’écoute électronique. La seconde mesure concerne la possibilité, lors du processus de sélection des jurés, que les candidats-jurés y assistent à distance plutôt qu’en personne.
Je vous remercie beaucoup de votre attention. Je remercie également les différents intervenants, et plus particulièrement l’Association du Barreau canadien, qui ont accepté de partager leurs observations sur le projet de loi S-4.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
[Traduction]
La Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L’honorable Mary Coyle propose que le projet de loi S-9, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je suis honorée de prendre la parole aujourd’hui à Ottawa, qui se trouve sur les terres ancestrales des Algonquins-Anishinabes, qui n’ont été ni cédées ni abandonnées par ce peuple, et dont la présence ici remonte à des temps immémoriaux. C’est aujourd’hui la Journée nationale des peuples autochtones, une journée dédiée à la réflexion, une journée dédiée à la célébration des Premières Nations, des Métis et des Inuits de chacune de nos régions, et en particulier dans cette enceinte, de nos nombreux collègues autochtones qui enrichissent nos vies et notre travail au Sénat.
Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-9, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques. Cette loi porte essentiellement sur la vie et la sécurité des personnes, au Canada comme dans le monde entier. Mon discours à l’étape de la deuxième lecture a fait ressortir l’importance de ce projet de loi étant donné la constante évolution du contexte mondial.
Le projet de loi a été renvoyé le 20 juin au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Le comité a entendu le témoignage de hauts fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada, notamment ceux du directeur par intérim de la Division de la non-prolifération et du désarmement et du coordonnateur national adjoint de l’Autorité nationale du Canada pour la Convention sur les armes chimiques. En qualité de président du comité, le sénateur Boehm a déclaré hier soir, dans son rapport au Sénat, que le comité avait étudié une version antérieure de ce projet de loi lors de la dernière législature et l’avait adoptée sans proposition d’amendement.
(1610)
Chers collègues, il est plus important que jamais que des règles, des structures et des systèmes soient en place pour guider les États et les entreprises dans le système international. Le travail que font les Nations unies depuis 77 ans contribue à renforcer l’ordre international fondé sur des règles, en l’occurrence un ensemble de normes, d’institutions, de traités et d’ententes, qui ont permis d’établir les règles du jeu pour gérer les intérêts nationaux concurrents, faciliter la coopération internationale et favoriser la paix.
La Convention sur les armes chimiques, ou CAC, constitue l’exemple parfait de ce que les États du monde peuvent accomplir lorsqu’ils unissent leurs efforts pour la paix. Adoptée en 1997, cette convention est le premier accord multilatéral mondial sur le désarmement à prévoir l’élimination de toute une catégorie d’armes de destruction massive.
En novembre 2019, grâce aux efforts considérables déployés par le Canada, les États-Unis et les Pays-Bas, la Conférence des États parties à la Convention sur les armes chimiques a pris la décision d’ajouter quatre nouvelles catégories de produits chimiques toxiques au tableau 1 de l’Annexe sur les produits chimiques de la convention. Parmi ces nouveaux produits chimiques figure l’agent neurotoxique de type Novitchok qui a été utilisé lors de la tentative d’assassinat de Sergueï et Yulia Skripal à Salisbury, au Royaume-Uni. Une variante de cet agent neurotoxique a été utilisée lors de la tentative d’assassinat d’Alexei Navalny.
Le terme Novitchok signifie « nouveau venu » en russe et il s’applique à un groupe d’agents neurotoxiques avancés qui ont été créés par l’Union soviétique.
Cet ajout à l’annexe de la Convention sur les armes chimiques rend obsolète la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques du Canada. Il s’agit du problème exact que le projet de loi S-9 cherche à résoudre. Le projet de loi S-9 est une mesure législative simple, mais essentielle. Il modifie la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques afin de l’harmoniser clairement avec la Convention sur les armes chimiques. Le projet de loi S-9 modifie la loi afin de supprimer l’ancienne liste désuète de produits chimiques interdits qui est annexée et indique clairement que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques est en possession de la liste actuelle et à jour des produits chimiques interdits en vertu de la convention, liste qui est facilement accessible sur le site Web de l’organisation.
Le 14 juin, à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-9, la sénatrice Ataullahjan, qui est la porte-parole du projet de loi, a dit ceci :
J’estime que le projet de loi S-9 témoigne d’une bonne gouvernance, fournit des précisions aux Canadiens et réaffirme l’engagement du Canada à mettre un terme à l’utilisation des armes chimiques.
Elle a également cité le risque que la Russie utilise des armes chimiques dans sa guerre illégale contre l’Ukraine.
Il est clair, chers collègues, que le projet de loi S-9 démontre l’engagement du Canada envers la Convention sur les armes chimiques et, surtout, envers la résolution du problème de la désuétude de notre loi.
Malheureusement, le projet de loi S-9 ne réduit pas à lui seul le risque qu’un acteur étranger, comme la Fédération de Russie, utilise l’agent Novitchok à des fins néfastes. Il permet toutefois de préciser quels produits chimiques sont soumis à un contrôle au Canada.
Honorables sénateurs, le Canada est un fier leader dans la lutte contre les armes chimiques. Il a été l’un des premiers pays à signer la convention le 13 janvier 1993 et il est resté fidèlement engagé à l’égard des travaux de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques.
Chers collègues, comme l’a dit la sénatrice Ataullahjan, la modification de la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques est un acte de « bonne gouvernance ». Elle présente deux avantages principaux. Premièrement, elle précise les produits chimiques qui sont interdits aux Canadiens sans autorisation explicite et, deuxièmement, elle souligne notre engagement envers la Convention sur les armes chimiques et, de façon plus générale, envers l’ordre international fondé sur des règles.
Chers collègues, j’aimerais conclure avec cette pensée. On ne peut pas oublier que ce sont des personnes en chair et en os qui se trouvent derrière les histoires concernant l’utilisation ou la menace de ces armes chimiques dangereuses et mortelles qui font brièvement les manchettes, comme c’est le cas en Ukraine. La vie de Syriens, d’Irakiens et d’habitants d’autres pays a été bouleversée par la décision cruelle et arbitraire d’États et, dans certains cas, d’acteurs non étatiques qui font fi des lois, des normes et des obligations — y compris de l’interdiction de recourir à des armes chimiques — qui ont évolué au fil des ans afin de favoriser et de maintenir la paix et la sécurité dans le monde pour tous. Bon nombre de ces gens sont venus au Canada à la recherche d’un lieu paisible et sûr où vivre.
Chers collègues, hier, c’était la Journée mondiale des réfugiés. Songeons aux 100 millions de personnes et plus qui ont été forcées de fuir les conflits, la violence, les violations des droits de la personne et la persécution, ainsi qu’à nos nombreux compatriotes qui sont venus ici au fil des ans à la recherche d’un refuge tandis que nous soupesons nos responsabilités législatives et politiques face aux menaces bien réelles auxquelles ils ont été confrontés.
Honorables sénateurs, je crois que la Convention sur les armes chimiques est un instrument de désarmement puissant. Appuyons le projet de loi S-9 et son renvoi rapide à l’autre endroit afin que la loi canadienne sur la mise en œuvre cette convention soit claire et à jour alors que nous faisons avancer une des plus importantes contributions du Canada à la paix mondiale.
Merci. Wela’lioq.
L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-9, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques.
Comme je l’avais dit à l’étape de la deuxième lecture, je remercie la sénatrice Coyle de sa détermination et de son ardeur qui l’ont menée à nous présenter à nouveau ce projet de loi. Le projet de loi S-9 nous aidera à appuyer la position ferme du Canada en matière de contrôle des produits chimiques dangereux, ce qui inclut les armes de destruction massive, ainsi que les armes nucléaires et biologiques.
Il ne faut pas oublier que le Canada a joué un rôle important dans la création de la Convention sur les armes chimiques et a été l’un des premiers pays signataires en 1993. À ce jour, le Canada continue de siéger au conseil exécutif de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques.
Bien que j’appuie ce projet de loi, je me dois de vous faire part de ma seule réserve. Je m’inquiète du fait que le gouvernement avait laissé mourir au Feuilleton le projet de loi original, le projet de loi S-2, au cours de la législature précédente après son adoption consciencieuse par le Sénat. J’espère qu’il ne répétera pas la même erreur.
En outre, je suis très préoccupée par la manière dont la Russie affaiblit la Convention sur les armes chimiques en envahissant l’Ukraine. Bien entendu, la perspective que la Russie aille jusqu’à utiliser des armes de destruction massive en Ukraine — y compris, peut-être, des armes chimiques, m’inquiète tout particulièrement.
Honorables sénateurs, étant donné la menace d’un recours à des armes chimiques en Ukraine, il est d’autant plus important de défendre nos principes et de soutenir la Convention sur les armes chimiques aussi vigoureusement que possible. Je me réjouis de savoir que ce projet de loi sera bientôt adopté par le Sénat une fois de plus. J’encourage vivement le gouvernement à faire le nécessaire, cette fois-ci, pour que la Chambre des communes l’adopte rapidement. Merci.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)
La Loi constitutionnelle de 1867
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L’honorable Dennis Dawson propose que le projet de loi C-14, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (représentation électorale), soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, j’ai pris la parole au Sénat hier pour appuyer le projet de loi du gouvernement, le C-14. Comme mon opinion n’a pas changé au cours des dernières 24 heures, je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit. Je sais que les sénateurs rient quand je dis que je serai bref — mon imitation de George Baker —, mais j’interviens aujourd’hui pour présenter seulement quelques observations à titre de parrain du projet de loi.
Je remercie mes collègues qui ont pris la parole hier et ceux qui poursuivront le débat aujourd’hui. Plusieurs sénateurs ont posé des questions sur la structure du système de représentation en place au Canada. La représentation régionale a sans contredit de l’importance pour bon nombre d’entre nous — c’est la raison d’être du Sénat — et elle constitue l’une des plus grandes forces du Canada. Je suis ravi de voir les parlementaires défendre les intérêts de leur région avec fougue.
Pour ma part, je ferai mon possible pour présenter des questions et sensibiliser le gouvernement à cet enjeu. Je tiens particulièrement à mentionner les observations de la sénatrice Simons, qui a parlé du déséquilibre dans la façon dont les Canadiens sont représentés ici, au Sénat. Je souligne qu’il s’agit de discussions importantes, qui contribuent à la santé de la démocratie canadienne. Je tiens toutefois à être clair : bien qu’il s’agisse d’enjeux graves, ils dépassent la portée du projet de loi C-14.
[Français]
En bref, cette révision, qui est un élément essentiel de notre démocratie depuis 1871, comprend un nouveau calcul du nombre de sièges attribués à chaque province et un réajustement des limites des circonscriptions électorales dans chaque province, afin de tenir compte des changements démographiques et des changements au sein de la population dans tout le pays.
(1620)
Le problème, c’est que le seuil minimum, c’est-à-dire la ligne de base de la représentation, n’est plus d’actualité, et il doit être revu afin qu’aucune province n’ait jamais moins de sièges qu’au cours de la 43e législature.
[Traduction]
Ce que le projet de loi C-14 ne fait pas, c’est de mettre en œuvre une méthode précise pour déterminer la répartition des sièges à la Chambre. Le Canada a toujours eu, en principe et en pratique, une représentation modifiée en fonction de la population. C’est inscrit dans notre formule constitutionnelle. Pour modifier la formule en tant que telle et, donc, notre système de représentation modifiée, il faudra sans doute recourir à la formule de modification générale. Cela exigerait des résolutions ici, au Sénat, à l’autre endroit, ainsi que dans au moins sept provinces qui représentent 50 % de la population canadienne. Honorables sénateurs, voilà un défi de taille.
À l’opposé, le projet de loi C-14 est une mesure bien réfléchie. Il propose quelque chose de plus modeste, qui cadre entièrement avec les principes et la pratique de la représentation modifiée en fonction de la population du Canada.
[Français]
Plus précisément, il propose une mise à jour modeste, mais notable de la clause d’antériorité de 1985, qui se trouve à l’article 51 de la Loi constitutionnelle de 1867 et qui permet de garantir qu’aucune province ne peut se voir attribuer moins de sièges qu’elle n’en avait au cours de la 43e législature. Plus simplement, la mise à jour permettra de fixer le seuil minimum à l’année 2021.
Ce n’est pas la première fois que nous protégeons ainsi la représentation des Canadiens. Plus récemment, la clause d’antériorité a été modifiée de la même façon dans le cadre de la Loi sur la représentation équitable de 2011. À cette époque, elle n’avait pas déclenché de formule générale de modification.
Je crois qu’aujourd’hui comme à l’époque, les propositions que contient le projet de loi C-14 sont suffisamment mineures et conformes à notre système de représentation modifié pour nécessiter seulement une résolution des deux Chambres.
[Traduction]
Chers collègues, j’ai promis d’être bref et j’espère l’avoir été. Plus vite nous adopterons le projet de loi, plus vite la commission du Québec pourra procéder à ses travaux. J’exhorte tous mes chers collègues à appuyer l’adoption du projet de loi C-14.
Merci.
L’honorable Scott Tannas : Le sénateur Dawson accepte-t-il de répondre à une question?
Le sénateur Dawson : Avec plaisir.
Le sénateur Tannas : J’ai suivi les questions et le débat sur le sujet, et je veux simplement bien comprendre. Rien dans le projet de loi ne favorise le Québec ou une autre province ou ne modifie le calcul de la représentation selon la population. Dans l’exemple du Québec, on établit un plancher de 78 sièges. À l’heure actuelle, la population du Québec par rapport à la population du Canada est d’environ 22,5 %, mais elle a considérablement diminué au cours des quatre dernières décennies. Si nous avancions, disons, de quatre décennies et qu’elle se chiffrait alors à 20 %, tout ce que nous ferions serait de faire correspondre les 78 sièges du Québec à, disons, 20 %, et d’augmenter tous les autres pour que cela fonctionne. Est-ce votre compréhension des choses?
Le sénateur Dawson : Apparemment, vous m’avez écouté avec beaucoup d’attention, sénateur. Oui, c’est ainsi que je vois les choses. Comme nous l’avons fait pour les provinces maritimes il y a quelques années, il s’agit d’établir un plancher. Lorsque ce plancher est établi, cela signifie que tous les autres devront augmenter.
C’est ce que l’on fait à l’heure actuelle. Le plancher ne s’appliquait pas au Québec et maintenant, oui.
Et j’espère que le pourcentage ne continuera pas à baisser. Je ne voudrais pas me montrer aussi pessimiste que vous, mais cela dit, cela ne changerait pas l’équilibre de la représentation à la Chambre des communes.
Le sénateur Tannas : J’ai une autre question, à titre de précision. Je crois comprendre que, bien souvent, la formule dont nous parlons ne fonctionne pas tout à fait pour assurer une représentation proportionnelle à la population de l’Ontario, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique. Toutefois, elle fonctionne plus ou moins pour le Québec, et ce sont les autres provinces — les Maritimes, la Saskatchewan, le Manitoba et, évidemment, les territoires, qui sont légèrement surreprésentés. Il est donc vrai que le Québec n’est pas favorisé de façon disproportionnée par la formule dont il a été question hier, qui ne fait pas partie du projet de loi.
Le sénateur Dawson : Sénateur Tannas, cette mesure n’est pas en train de créer un déséquilibre différent. Il y a des déséquilibres — et on les a mentionnés hier —, mais le projet de loi ne fait qu’établir un seuil pour le Québec. On ne pénalise pas les autres provinces.
Le sénateur Tannas : Je vous remercie.
L’honorable Donna Dasko : Est-ce que le sénateur Dawson accepterait de répondre à une autre question?
Le sénateur Dawson : Oui, sénatrice Dasko.
La sénatrice Dasko : Sénateur Dawson, j’ai peut-être manqué cette information lors des discussions sur cette mesure au cours des dernières semaines : pouvez-vous nous expliquer pourquoi ce projet de loi n’a pas été renvoyé à un comité? Je vous remercie.
Le sénateur Dawson : Cela dépasse mes compétences.
La sénatrice Dasko : Avez-vous entendu quiconque expliquer pourquoi ce projet de loi n’a pas été renvoyé à un comité sénatorial?
Le sénateur Dawson : Vous pourriez poser la question à une personne qui serait bien placée pour vous donner une réponse. Je ne suis pas habilité à vous donner une réponse à cette question.
[Français]
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-14, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (représentation électorale).
Avant tout, permettez-moi d’apporter une petite correction à mon discours d’hier à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-14. J’ai mentionné hier que le projet de loi du Bloc québécois, visant à garantir 25 % de la représentation du Québec à la Chambre des communes, était toujours à l’étude. Je vous ai même dit que je ne parierais pas sur son évolution à l’autre endroit. Or, il semble bien qu’il ne progressera pas, car le projet de loi C-246 a été rejeté le 8 juin dernier. Je vous prie donc de me pardonner pour cette erreur. Je remercie l’efficacité des médias sociaux, et plus particulièrement M. Nicholas Thibodeau, qui a rapidement porté à mon attention l’inexactitude de cette partie de mon discours. Je tenais à rectifier le tout.
Cela dit, honorables sénateurs, j’entame maintenant mon intervention à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-14.
Le Canada est une démocratie très robuste qui fait l’envie de plusieurs pays du monde. Nos valeurs démocratiques se reflètent dans notre Constitution et notre Chartre des droits et libertés, dans nos institutions, dans nos lois et dans notre processus électoral, qui offre aux Canadiens et aux Canadiennes la possibilité de participer directement au choix de leurs élus et de se porter candidats aux élections. Lorsque nous légiférons en matière de droit électoral, il est important de laisser de côté la partisanerie et de redoubler de vigilance, afin que nos acquis si précieusement obtenus au fil des ans et à travers l’histoire de notre pays ne subissent aucun recul.
L’article 3 de notre Charte des droits et libertés stipule que tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales. Pour que ces droits soient raisonnablement appliqués et respectés, ils doivent être balisés dans un processus électoral juste et équitable. Si, par exemple, aucune norme n’était appliquée pour délimiter les circonscriptions électorales, mon vote dans une circonscription de 200 000 électeurs aurait moins de valeur que si j’habitais dans une circonscription de 30 000 électeurs.
C’est la raison pour laquelle nos lois visent à établir une zone de parité entre les diverses circonscriptions. Toutefois, une parité parfaite est impossible à réaliser. Je dirais même qu’elle serait néfaste si nous cherchions à l’obtenir à tout prix. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on retrouve différentes dispositions dans la formule constitutionnelle pour délimiter les circonscriptions électorales.
Il y a d’abord la disposition populationnelle, qui est assurément la plus importante, selon moi. Par un quotient déterminé, on établit le nombre moyen d’habitants que l’on retrouve dans chacune des circonscriptions. À cet effet, les commissions électorales formées dans chacune des provinces doivent veiller à ce que chaque circonscription ait un nombre d’électeurs avoisinant le quotient électoral de la province. Cette référence au quotient électoral peut varier, avec un écart de plus ou moins 25 % dans le cas où cela s’avère utile et nécessaire. Toutefois, lors de l’adoption du projet de loi C-74 en 1986, un assouplissement de ce critère a été introduit.
Dans une note que la Bibliothèque du Parlement a préparée pour les parlementaires chargés de l’étude de ce projet de loi à l’époque, nous pouvions lire ce qui suit :
Afin de pallier aux problèmes des circonscriptions à vaste étendue et pour éviter leur accroissement géographique, le projet de loi C-74 assouplit l’application de la dérogation du 25 %, en passant du critère « utile et nécessaire » à celui de « raisonnablement possible ». À cet effet, le projet de loi C-74 inclut les critères suivants : identité culturelle, évolution historique, régions rurales et septentrionales. De cette façon, l’option d’un écart au quotient électoral se substitue à la dérogation de ce dernier.
Voilà ce qui en est de la disposition dite populationnelle.
(1630)
À cela s’ajoute la disposition sénatoriale, qui veut que jamais une province ne puisse compter moins de députés que de sénateurs. Cette disposition vise surtout à protéger les plus petites provinces qui ont une croissance démographique moins forte que les provinces plus populeuses.
Il y a ensuite la clause des droits acquis, qui protège de la perte de sièges à la Chambre des communes certaines provinces qui voient la progression de leur population stagner ou même reculer. Actuellement, cette clause est désignée sous le nom de « clause de 1985 », et c’est précisément à cette clause, comme je l’ai mentionné hier, que s’adresse le projet de loi C-14, qui vient ainsi la modifier afin qu’elle corresponde dorénavant au portrait représentationnel de la 43e législature.
Enfin, il y a la clause territoriale, qui donne à chacun des trois territoires un député représentant une population qui est bien en deçà des populations des autres circonscriptions. Ainsi donc, lorsque vient le moment de délimiter les frontières des circonscriptions ou lorsque l’on crée carrément de nouvelles circonscriptions, on tient compte de plusieurs critères.
Il n’est pas exact de dire que nous avons un mode de scrutin qui représente parfaitement le nombre d’électeurs et les populations vivant dans nos circonscriptions électorales. Des facteurs comme la géographie, l’histoire, la langue commune, les traditions et d’autres facteurs peuvent être pris en compte quand vient le temps de délimiter le pourtour des circonscriptions électorales. C’est ce que la Cour suprême du Canada a appelé la « représentation effective ».
Dans un jugement qu’elle a rendu en 1991, Circ. électorales provinciales (Sask.), le plus haut tribunal du pays a écrit ceci :
La parité relative du pouvoir des électeurs est une condition primordiale de la représentation effective. Les dérogations à la parité électorale absolue peuvent toutefois se justifier pour des raisons d’impossibilité matérielle ou d’amélioration de la représentation réelle. Des facteurs comme la géographie, l’histoire et les intérêts de la collectivité et la représentation des groupes minoritaires peuvent devoir être pris en considération afin de garantir que nos assemblées législatives représentent réellement la diversité de notre mosaïque sociale. À part cela, l’affaiblissement du suffrage d’un citoyen par rapport à celui d’un autre ne saurait être toléré.
Plus loin, les juges de la Cour suprême ont ajouté ce qui suit :
[...] la parité relative qu’il est possible d’atteindre peut ne pas être souhaitable si elle a pour effet de détourner du but principal, qui est la représentation effective. Des facteurs tels les caractéristiques géographiques, l’histoire et les intérêts de la collectivité et la représentation des groupes minoritaires peuvent devoir être pris en considération si l’on veut que nos assemblées législatives représentent effectivement la diversité de notre mosaïque sociale.
C’est, en quelque sorte, pour faire contrepoids à cette représentation effective et pour la bonifier que le projet de loi C-74 de 1986 a maintenu ce droit acquis et a fixé le seuil minimal. Le projet de loi C-14 s’inscrit en parfaite harmonie avec cette approche en établissant maintenant ce seuil à la carte électorale de la 43e législature. L’effet direct pour le Québec est de contrer un recul de sa représentation à la Chambre des communes. Le fait d’affaiblir la représentation du Québec à la Chambre des communes reviendrait à renier la reconnaissance spécifique du Québec comme nation et, surtout, à le reconnaître comme l’un des deux peuples fondateurs du Canada moderne.
Avec le français comme langue commune, une culture propre, un droit civiliste, des coutumes et des traditions uniques, le Québec forme assurément une nation distincte, certes, mais cela ne l’empêche pas de participer avec vigueur, cohésion et détermination à la construction et à la vitalité de notre pays. Je crois donc qu’il est tout à fait légitime de conférer, par la nouvelle clause de 2021, une protection sur le plan de sa représentation à la Chambre des communes.
N’oublions pas une chose, honorables sénateurs : bien que les Québécoises et les Québécois forment une nation forte et fière, avec leurs concitoyens d’expression française des autres provinces, ce peuple d’expression française demeure une minorité en Amérique du Nord, une minorité francophone dans un océan anglophone. Comme sénateurs, cette réalité devrait nous interpeller au plus haut point dans notre rôle de défenseurs des minorités et des régions. Essentiellement, le projet de loi C-14 vient donner une garantie constitutionnelle d’une représentation équitable sur un territoire régional important.
Ce projet de loi n’est pas litigieux ou conflictuel. Il fait appel au sens commun, il ne brime pas les droits de personne et il confère à toutes les Canadiennes et à tous les Canadiens une garantie minimale d’une représentation effective, juste et équitable. Pour toutes ces raisons, je vous invite donc, honorables sénateurs, à accorder au projet de loi C-14 votre appui bienveillant.
Merci.
Des voix : Bravo!
Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Dawson propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Klyne, que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)
Projet de loi sur la diffusion continue en ligne
Projet de loi modificatif—Première lecture
Son Honneur la Présidente intérimaire annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, accompagné d’un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
Projet de loi de crédits no 2 pour 2022-2023
Troisième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Gagné, appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-24, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2023.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Gagné propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Gold, que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
Projet de loi de crédits no 3 pour 2022-2023
Troisième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Gagné, appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-25, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2023.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Gagné propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Gold, que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)
[Traduction]
Projet de loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé
Projet de loi modificatif—Adoption du troisième rapport du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles
Le Sénat passe à l’étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles (projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), apportant des modifications connexes à la Loi sur les aliments et drogues et abrogeant la Loi sur la quasi-élimination du sulfonate de perfluorooctane, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 20 juin 2022.
L’honorable Paul J. Massicotte propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, votre comité a étudié le projet de loi S-5, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé, conformément à l’ordre de renvoi du jeudi 7 avril 2022.
Avec l’étude du projet de loi S-5, c’est la première fois, depuis plus de 20 ans, que l’on soumet la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999, ou LCPE, à un vaste examen en vue de l’améliorer. La LCPE vise essentiellement à prévenir la pollution. Elle fournit un cadre législatif et réglementaire sur lequel s’appuient bon nombre de programmes du ministère de l’Environnement et du Changement climatique. Le projet de loi vise, entre autres, à ce que le droit des Canadiens à un environnement sain soit reconnu dans le préambule de la LCPE. Il inscrira dans la loi l’obligation du gouvernement du Canada de garantir ce droit, de prendre en considération les populations vulnérables et les effets cumulatifs lors des évaluations relatives aux substances toxiques, et de mettre en place un système à deux volets pour la réglementation à l’égard des substances toxiques visées par la LCPE.
(1640)
[Français]
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a étudié le projet de loi S-5 dans le cadre de cinq réunions, en interrogeant le ministre de l’Environnement et du Changement climatique ainsi que des fonctionnaires, des membres de l’industrie, des associations et des représentants autochtones, des organisations non gouvernementales et des experts issus de nombreux domaines. Le comité a ensuite tenu huit autres réunions pour effectuer l’examen article par article du projet de loi S-5. Tout au long du processus de cet examen, des représentants du gouvernement étaient présents pour répondre aux questions des membres du comité. Je tiens aussi à souligner que le ministre, le parrain du projet de loi et les représentants du gouvernement ont tous indiqué que la Loi canadienne sur la protection de l’environnement sera de nouveau modifiée et que le projet de loi S-5 ne représente pas tous les changements que le gouvernement envisage d’apporter à la loi.
[Traduction]
Dans son rapport, le comité propose d’apporter 32 amendements au projet de loi S-5 et adresse cinq observations au gouvernement du Canada.
Pendant l’étude en comité et le débat, plusieurs thèmes ont été soulevés, et les amendements du comité en tiennent compte. Ces thèmes portent sur le droit à un environnement sain, les droits et la participation des peuples autochtones, les essais sur les animaux et les droits des animaux, ainsi que la transparence et la reddition de comptes.
[Français]
La partie 5 du projet de loi S-5 établirait le droit à un environnement sain dans la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et exigerait que les deux ministres responsables de la loi établissent un cadre de mise en œuvre définissant comment ce droit serait pris en compte dans la loi. Le droit à un environnement sain est un concept nouveau dans le droit fédéral canadien, mais dans des juridictions du monde entier, des droits similaires ont déjà été inscrits dans des constitutions, des lois, des décisions judiciaires et des traités depuis plusieurs décennies. Le comité a compris que l’établissement de ce droit représenterait une amélioration majeure du droit de l’environnement au Canada.
Bien que le projet de loi introduise le droit à un environnement sain, il ne le définit pas. Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles propose plusieurs amendements à la partie 5 du projet de loi. Ces modifications permettraient de veiller à ce que le cadre de mise en œuvre soit conforme à l’objet de la loi et obligeraient les ministres à définir les limites raisonnables auxquelles le nouveau droit proposé est soumis. Les amendements ajoutent également le principe d’équité intergénérationnelle aux considérations des ministres.
[Traduction]
Durant toute l’étude du projet de loi S-5 au Comité de l’énergie, on nous a dit à quel point les droits des Autochtones et leur participation à la prévention de la pollution étaient touchés par la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, ou LCPE. On a également présenté au comité la preuve que les Premières Nations sont exposées de façon disproportionnée à des substances toxiques. Entre autres, le projet de loi reconnaîtrait l’engagement du gouvernement du Canada à inclure la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le préambule de la LCPE.
Le comité a examiné et adopté plusieurs amendements au projet de loi, qui renforcent les droits et la participation des Autochtones dans le cadre de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et qui correspondent aux principes de la réconciliation. Par exemple, le comité a proposé d’amender l’engagement pris au préambule par le gouvernement du Canada à l’égard de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en incluant dans le libellé de la LCPE les principes de « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause ». Ces principes sont issus de l’article 19 de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Cet amendement proposé en reconnaissance du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause est, comme l’a dit la sénatrice McCallum, « essentiel pour favoriser l’autodétermination, l’autonomie gouvernementale et l’indépendance des peuples autochtones ».
Le comité propose aussi d’autres amendements au préambule pour promouvoir l’intégration véritable des connaissances autochtones dans le processus décisionnel lié à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement. Étant donné les preuves présentées au comité et les préoccupations majeures soulevées par ses membres, le comité a proposé un amendement qui ajouterait une nouvelle disposition au projet de loi exigeant que les ministres présentent un rapport au Parlement tous les cinq ans à propos du fonctionnement de la LCPE à l’égard des peuples autochtones.
[Français]
D’une autre part, le préambule du projet de loi S-5 traite des essais sur les animaux dans le contexte de la prise de décision scientifique, de la toxicité et de la protection de l’environnement. Le Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles est préoccupé par les essais sur les animaux et les droits des animaux en général. Sur cette base, le comité propose plusieurs amendements liés à cette question.
Dans l’ensemble, ces amendements exigeraient du gouvernement fédéral qu’il réduise sa dépendance à l’égard des essais sur les animaux, qu’il empêche les essais inutiles, qu’il donne la priorité aux substituts à ces essais et qu’il améliore les conditions et les processus adoptés pour cette pratique lorsqu’elle est nécessaire.
[Traduction]
Le Comité de l’énergie propose des amendements touchant plusieurs aspects du projet de loi S-5 qui permettraient d’accroître la transparence et l’obligation de rendre des comptes du gouvernement. En plus de la nouvelle obligation de présenter un rapport tous les cinq ans sur l’application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement en ce qui concerne les peuples autochtones du Canada, le comité propose un ensemble d’amendements qui, lorsque de nouveaux organismes vivants sont inscrits, augmenteraient la participation du public et accroîtraient la protection de l’environnement. Le comité a entendu que l’introduction d’organismes vivants génétiquement modifiés dans l’environnement entraîne un risque urgent pour les espèces sauvages canadiennes et les droits des peuples autochtones.
Le comité propose également un amendement qui exigerait que le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie dépose au Parlement, au plus tard un an après la date de la sanction royale, un rapport sur les normes environnementales des pays qui exportent des produits au Canada.
Chers collègues, le comité recommande que le Sénat adopte le projet de loi S-5 avec les amendements que nous proposons pour renforcer certains des principaux aspects du projet de loi. Ces changements représentent une occasion de moderniser cette importante mesure législative tout en établissant un nouveau droit pour les Canadiens et en améliorant son objectif de prévention de la pollution.
Le comité demande également que le gouvernement du Canada réponde aux cinq observations contenues dans le rapport dès que possible. Merci beaucoup.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons‑nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Kutcher, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
Le Code criminel
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Gagné, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Hier, j’ai félicité le premier ministre et le ministre de la Justice d’avoir présenté le projet de loi sur les peines minimales obligatoires.
(1650)
Je veux vous raconter un peu l’histoire des peines minimales obligatoires, d’après mon expérience.
En 1992, quand les premiers projets de loi instaurant des peines minimales obligatoires ont été présentés, nous croyions, dans la profession juridique, que c’était des mesures temporaires. Malheureusement pour bon nombre d’entre nous, des gouvernements successifs ont continué d’imposer ces peines.
À ce jour, il existe 73 peines minimales obligatoires. C’est pourquoi, honorables sénateurs, je crois que le ministre de la Justice et le sénateur Gold, le parrain du projet de loi, sont très courageux d’avoir fait un premier pas vers l’abrogation de ces peines.
Je crois sincèrement que c’est une étape très importante. Au fil des ans, même avant mon arrivée au Sénat, je m’adressais à d’anciens ministres de la Justice libéraux pour leur demander d’arrêter d’imposer des peines minimales obligatoires et de les abroger. Ils considéraient qu’il était politiquement difficile de les abroger.
Sénateurs, depuis mon arrivée au Sénat, j’ai présenté les projets de loi suivants pour abroger les peines minimales obligatoires. En juin 2013, j’ai présenté le projet de loi S-221, Loi modifiant le Code criminel, exception à la peine minimale obligatoire en cas d’homicide involontaire coupable ou de négligence criminelle causant la mort. En novembre 2013, j’ai présenté le projet de loi S-209, du même nom. En février 2014, j’ai présenté le projet de loi S-214, toujours du même nom.
J’ai présenté trois projets de loi sur cette question, le dernier en 2014. Je les ai déposés parce que je crois vraiment que les peines minimales obligatoires ne fonctionnent pas.
En tant qu’avocate, je peux témoigner des dégâts qu’ont provoqués ces peines sur mes clients, ma famille et — je le crois — la société en fin de compte.
En général, avant 1992, lorsqu’une personne plaidait coupable, le juge devait observer les principes de détermination de la peine. Il se posait alors les questions suivantes : de quelle loi relève l’infraction? Quel type d’infraction a été commise? Quelle est la gravité de l’infraction? Quelle est la situation personnelle de l’accusé?
Au Canada, les articles 718.1 et 718.2 du Code criminel sont très clairs. L’article 718.1 stipule que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. L’article 718.2 souligne d’autres aspects à prendre en compte pour déterminer la peine, notamment les circonstances aggravantes ou atténuantes.
Parmi les plus importants facteurs à prendre en compte, le juge doit déterminer qui a commis l’infraction et quels facteurs ont pu contribuer à la perpétration du crime, puis il doit étudier la situation personnelle de l’individu qui comparaît devant lui.
Pour ce qui est de la proportionnalité des peines, l’article 718.1 du Code criminel indique qu’il s’agit du principe fondamental de la détermination de la peine, et que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.
Autrement dit, la peine doit tenir compte avec exactitude des circonstances particulières de l’infraction.
Les peines minimales obligatoires lient les mains des juges et limitent leur pouvoir discrétionnaire et leur capacité de déterminer la peine proportionnelle appropriée.
À l’heure actuelle, au Canada, 73 infractions sont assorties d’une peine minimale obligatoire, soit 67 dans le Code criminel et 6 dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
À ce jour, au moins 53 dispositions prévoyant une peine minimale obligatoire ont été invalidées par les tribunaux parce qu’il a été déterminé qu’elles allaient à l’encontre de la Charte des droits et libertés ou ont été remises en question par une cour provinciale ou territoriale, voire par la plus haute instance judiciaire au pays, la Cour suprême du Canada.
De ces 53 dispositions prévoyant une peine minimale obligatoire, 10 font partie des 20 visées par le projet de loi C-5. Hier, le sénateur Gold a parlé éloquemment du pouvoir discrétionnaire des juges et de la détermination d’une peine proportionnelle. D’ailleurs, au fil des ans, nous sommes nombreux à avoir parlé de l’importance du pouvoir discrétionnaire des juges. Je ne m’y attarderai donc pas.
Si nous faisons confiance aux juges pour ce qui est de faire leur travail — et soit dit en passant, nous avons les meilleurs juges au monde —, alors nous devrions leur faire confiance lorsqu’il s’agit de déterminer la peine de la personne qui comparaît devant eux et leur confier le pouvoir discrétionnaire qui leur permettra de faire leur travail au meilleur de leur capacité en tenant compte des faits et des circonstances propres à la cause dont ils ont été saisis.
Dans le même ordre d’idées, la majorité des témoins entendus par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de l’autre endroit ont affirmé que toutes les peines minimales obligatoires devraient être abrogées. Il y avait consensus parmi les experts aux expériences, aux points de vue et aux spécialités divers.
Les peines minimales obligatoires sont établies par les parlementaires et ne tiennent pas compte des circonstances précises des différentes affaires. Les députés et les sénateurs déterminent le sort d’un nombre incalculable de personnes au Canada sans avoir à jeter un regard à ces personnes, sans connaître leur passé, sans avoir à les regarder en face ni à prendre en compte leur humanité.
Les parlementaires prédéterminent le sort de ces gens et mettent de côté les principes éprouvés de la détermination de la peine. Ce faisant, nous ne faisons pas qu’écarter les précieux principes de détermination de la peine sur lesquels repose le Code criminel, nous les ignorons complètement.
Aujourd’hui, je veux expliquer la situation de la meilleure façon possible. Les nombres exacts devront peut-être être retravaillés, mais nous pourrons le faire au comité. Je veux simplement donner une vue d’ensemble.
Comme je l’ai dit plusieurs fois, le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances contiennent 73 peines minimales obligatoires. Les tribunaux de diverses instances, des cours d’appel et la Cour suprême du Canada ont invalidé 53 peines minimales obligatoires.
Lorsque les juges voient la personne en face d’eux, ils imposent la peine qui correspond au crime et non la peine que nous, les parlementaires, avons choisie il y a de nombreuses années sans voir les yeux de la personne qui se tient devant le juge.
Le gouvernement a présenté le projet de loi C-5 afin d’abroger 20 peines minimales obligatoires. Ce projet de loi comprend 10 des peines minimales obligatoires qui ont été invalidées par la magistrature.
Cela dit, honorables sénateurs, je tiens à répéter que je suis convaincue que le ministère de la Justice pourrait être en mesure de nous donner de meilleurs chiffres, mais mes propos ont pour but de vous faire comprendre que nous, les parlementaires, avons créé une série de peines disparates et incohérentes dans l’ensemble du Canada. Par exemple, si la Cour d’appel de la Colombie-Britannique invalide une peine minimale obligatoire, la décision sera appliquée en Colombie-Britannique, mais la peine restera en vigueur dans le reste du pays, contrairement à une peine minimale obligatoire qui est invalidée par la Cour suprême ou le gouvernement du Canada. Honorables sénateurs, je tiens à le répéter : nous nous retrouvons maintenant avec une série de peines disparate et, aux étapes de l’étude en comité et de la troisième lecture, il faudra trouver un moyen de remédier à ce problème.
Je suis d’accord avec le leader, le sénateur Gold, pour dire que nous ne pouvons pas viser la lune. Toute ma vie, j’ai été une personne politique, et je comprends les réalités de l’abrogation des peines minimales obligatoires. Voilà pourquoi, honorables sénateurs, quand le leader dit que nous ne pouvons pas viser la lune, je le comprends.
C’est pourquoi nous devrons nous occuper de cet ensemble disparate de façon créative à l’étape de l’étude en comité ou lors de la troisième lecture.
Honorables sénateurs, je tiens à répéter qu’en ce moment, il y a 73 peines minimales obligatoires en vigueur dans le droit canadien. Les tribunaux en ont rejeté 53 et le projet de loi C-5 en abroge 20. Sur les 20 peines minimales obligatoires qui sont visées par le projet de loi C-5, 10 ont été invalidées par les tribunaux.
J’espère que nous pourrons traiter de cette situation disparate en comité. Merci, honorables sénateurs.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Sénatrice Lankin, avant que vous ne commenciez, je dois dire qu’il est presque 17 heures. À 17 heures, je suis obligé de quitter le fauteuil pour que le Sénat se réunisse en comité plénier. Vous pourriez peut-être attendre après la tenue de la séance en comité plénier. Il reste environ 30 secondes.
La sénatrice Lankin : Si vous continuez de parler, Votre Honneur, nous n’aurons pas ce problème. Je n’ai absolument rien contre cela.
Son Honneur le Président : Merci, sénatrice Lankin.
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Conformément à l’ordre adopté le lundi 20 juin, je quitte le fauteuil pour que le Sénat se forme en comité plénier sur la teneur du projet de loi C-28, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire extrême). L’honorable sénatrice Ringuette présidera le comité. Afin de faciliter la distanciation appropriée, elle présidera le comité à partir du fauteuil du Président.
(1700)
[Français]
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Étude de la teneur du projet de loi en comité plénier
L’ordre du jour appelle :
Le Sénat en comité plénier afin de recevoir l’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada, accompagné d’au plus deux fonctionnaires, relativement à la teneur du projet de loi C-28, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire extrême).
(La séance est suspendue et le Sénat se forme en comité plénier sous la présidence de l’honorable Pierrette Ringuette.)
La présidente : Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier la teneur du projet de loi C-28, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire extrême).
Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises — mais, tel qu’il est ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur. Le comité accueillera l’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada, et je l’invite maintenant à nous rejoindre, accompagné de ses fonctionnaires.
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable David Lametti et des fonctionnaires de son ministère prennent place dans la salle du Sénat.)
La présidente : Monsieur le ministre, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter vos fonctionnaires et à faire vos observations préliminaires.
L’honorable David Lametti, c.p., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, madame la présidente, de m’avoir invité à comparaître devant vous pour discuter du projet de loi C-28. J’aimerais souligner que je suis accompagné de Carole Morency et de Jay Potter. Comme ce sera la dernière fois que Carole Morency comparaîtra avec moi devant un comité, je saisis l’occasion de la remercier de sa longue carrière et de son intelligence.
Des voix : Bravo!
M. Lametti : Le 13 mai 2022, dans les décisions qu’elle a rendues dans l’affaire Brown et dans l’affaire Sullivan, la Cour suprême du Canada a jugé que l’article 33.1 du Code criminel était inconstitutionnel. Cet article a empêché l’utilisation de la défense de l’intoxication volontaire extrême pour la plupart des infractions violentes, comme les voies de fait et les agressions sexuelles. La Cour suprême l’a jugé inconstitutionnel parce qu’il supprimait la défense d’intoxication extrême dans tous les cas, même lorsque l’accusé ne pouvait pas raisonnablement savoir que sa consommation de substance intoxicante pouvait l’amener à perdre le contrôle de ses actions et à causer des préjudices à autrui.
[Traduction]
L’intoxication extrême est un état rare dans lequel une personne n’est pas consciente de ses actions et est incapable de former un niveau d’intention de base pour fonder la responsabilité criminelle. En d’autres termes, le corps fait quelque chose, mais l’esprit n’a pas le contrôle.
La grande majorité des crimes commis par des personnes intoxiquées n’implique pas une intoxication extrême. Autrement dit, l’intoxication extrême ne signifie pas simplement être ivre ou drogué. Le fait d’être ivre ou drogué ne constitue pas une défense pour des actes criminels tels que des agressions sexuelles. C’était la loi avant les décisions de la Cour suprême et cela reste la loi aujourd’hui.
Cela dit, les décisions de la Cour suprême ont laissé un vide dans le droit pénal, car les personnes qui commettent des crimes violents comme des voies de fait graves ou même un homicide involontaire peuvent ne pas être tenues responsables de ces crimes, même lorsqu’elles savaient ou auraient dû savoir que leur consommation de substances intoxicantes pouvait entraîner une violente perte de contrôle.
Ces décisions ont donné lieu à un malentendu important et inquiétant et, parfois, à une désinformation de la part de certains, qui croient qu’il est permis de boire quelques bières et de commettre une agression sexuelle parce que désormais, ils ne peuvent pas être tenus criminellement responsables. Cela démontre une fois de plus la nécessité de réagir rapidement. La loi doit prévoir que les personnes sont tenues pleinement responsables des préjudices qu’elles causent à autrui du fait de leur consommation négligente et volontaire de substances intoxicantes.
Voilà pourquoi nous avons présenté le projet de loi C-28 cinq semaines à peine après la publication des décisions de la Cour suprême. Ce projet de loi propose un nouvel article 33.1, qui respecte les objectifs de protection du public et de reddition de comptes de l’ancien article 33.1, mais qui a été reformulé de façon à tenir compte des préoccupations de la Cour suprême et à veiller à assurer sa conformité par rapport à la Charte. Le nouvel article criminaliserait les individus qui s’intoxiquent par négligence à un tel degré qu’ils causent des préjudices à autrui. La différence essentielle par rapport à l’ancienne loi réside dans le fait que, dans le projet de loi C-28, les individus ne seraient pas tenus criminellement responsables dans les cas où les risques de perte de contrôle violente étaient imprévisibles ou, s’ils étaient prévisibles, que des efforts raisonnables ont été entrepris pour éviter ce genre de préjudice.
Dans tous les cas, les tribunaux devraient déterminer si la perception du risque de l’accusé et toute mesure prise pour l’éviter s’écartait de façon marquée de ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans les circonstances. Donc, en ce moment, être dans un état d’intoxication extrême peut donner lieu à une défense, mais si ce projet de loi est adopté, lorsqu’une personne se met de façon négligente dans cet état, il existerait un nouveau moyen de la rendre responsable de tout acte criminel violent qu’elle aurait commis.
En pratique, l’accusé doit d’abord établir qu’il était dans un état d’intoxication extrême s’apparentant à de l’automatisme en faisant témoigner des experts en plus de répondre à d’autres exigences. La poursuite peut certainement contester l’affirmation que l’accusé était dans un état d’intoxication extrême. De telles affirmations sont souvent rejetées compte tenu des faits.
[Français]
Si l’état d’intoxication extrême s’apparentant à l’automatisme est établi avec le projet de loi C-28, la poursuite également aurait la possibilité de prouver que la consommation de substance intoxicante par l’accusé avant l’acte de violence était une négligence. Le jury ou le tribunal examinerait tous les éléments de preuve à la fin du procès pour déterminer le verdict approprié.
La négligence criminelle est bien connue et est comprise par les juges et les praticiens du droit criminel qui seront en mesure d’appliquer la nouvelle loi en conséquence. Je suis convaincu que le projet de loi C-28 garantira l’imputabilité, protégera les victimes et respectera la Charte. Merci.
Le sénateur Carignan : Merci, monsieur le ministre. J’aimerais remercier et féliciter votre fonctionnaire, Mme Carole Morency. Il y a 12 ans que je suis au Sénat et que je la vois témoigner au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, toujours avec beaucoup de précision. C’est vraiment une experte de haut niveau. Je vous souhaite une bonne retraite, madame Morency.
Monsieur le ministre, nous avons reçu, de la part du leader du gouvernement au Sénat, une liste de différentes organisations qui ont été consultées avant le dépôt du projet de loi C-28. Il y en a une trentaine et, parmi ces personnes qui ont été consultées, il y a un professeur de l’Université de Montréal qui s’appelle Hugues Parent. Ce matin, dans un article du journal La Presse, M. Parent fait part de ses craintes au sujet du projet de loi. Or, ce sont les mêmes craintes que nous avions formulées, mon équipe et moi, vendredi. Nous avons envoyé à votre bureau ces éléments que nous avions soulevés également.
Je vous lis certains passages de l’article pour que vous compreniez bien le sens de ma question. Il est indiqué ceci dans l’article :
Le projet de loi définit l’intoxication extrême comme un état « qui rend une personne incapable de se maîtriser consciemment ou d’avoir conscience de sa conduite » — un état appelé « automatisme ».
L’article précise également ce qui suit:
Le problème — et c’est un méchant problème ! —, c’est qu’en limitant l’intoxication extrême à un état s’apparentant à l’automatisme, le gouvernement laisse de côté les intoxications qui ne perturbent pas la conscience de l’individu, mais qui affectent son rapport avec la réalité, comme les psychoses.
Évidemment, une intoxication extrême peut amener différents genres de comportements, et il me semble que l’automatisme se produit dans des cas extrêmement rares. Les experts ont soulevé quatre ou cinq causes survenues dans les dernières années tandis que l’intoxication extrême peut amener des cas d’aliénation mentale et de psychose, ce qui est beaucoup plus fréquent. Il me semble que le projet de loi ouvre la porte très grande en ne couvrant pas ces situations. Vous avez consulté une trentaine d’organismes, mais nous ne savons pas ce qu’ils vous ont dit.
(1710)
Pouvez-vous me rassurer sur ce point et me dire ce que vous pensez des commentaires du professeur Parent?
M. Lametti : Merci pour vos bons mots, sénateur. Ils sont grandement appréciés.
Je veux vous rassurer. Nous sommes en train de répondre aux récentes décisions de la Cour suprême dans les affaires R. c. Sullivan et R. c. Brown. Pour répondre aux inquiétudes du professeur Parent, il y a deux éléments dans ma réponse.
D’abord, la majorité des cas sont déjà couverts. Ce que la Cour suprême a dit dans ces récents arrêts fait référence à des incidents qui se produisent très rarement, comme vous l’avez mentionné. Nous corrigeons la situation en suivant les suggestions de la Cour suprême, mais les autres cas sont déjà couverts par le Code criminel, comme les cas de psychose, par exemple, car il y a déjà des façons de les traiter en droit pénal. Cependant, dans des cas aussi rares où la psychose est couverte par l’article 33.1 du Code criminel, des dispositions ont déjà été incluses dans la loi par la Cour suprême il y a 10 ans dans l’affaire R c. Bouchard-Lebrun. La cour a déjà abordé cette situation et l’on tient pour acquis que ces cas sont déjà couverts dans la grande majorité des cas, ou dans les rares cas où une personne est en état d’automatisme. Donc, la psychose est couverte dans les deux cas.
Le sénateur Carignan : Je ne veux pas remettre en cause votre point de vue, mais le professeur Parent, un expert du Code criminel spécialisé dans les moyens de défense au Canada, qui enseigne à la Faculté de droit de l’Université de Montréal — et ils sont peu nombreux dans ce domaine —, semble être en désaccord. Cela ne semble pas le rassurer, et je suis convaincu qu’il connaît l’ensemble de la jurisprudence à cet effet. Ne pensez-vous pas qu’il serait plus prudent de spécifier qu’il est question de l’aliénation mentale plutôt que de l’état d’automatisme?
M. Lametti : En tout respect et puisque je connais la réputation du professeur Parent, nous croyons que tout cela est déjà inclus dans la jurisprudence au moyen de décisions de la Cour suprême et que cela pourrait ouvrir la porte à des conséquences inattendues. Nous croyons sincèrement que l’approche la plus prudente est de suivre la voie du projet de loi C-28. Évidemment, en tant que sénateurs, vous avez le pouvoir et le droit d’étudier la question. Je sais que mes collègues de la Chambre des communes vont étudier la question à l’automne. Nous avons besoin d’une étude approfondie pour nous assurer qu’il n’y aura pas de conséquences inattendues.
Le sénateur Carignan : Justement, pour pallier ce risque, monsieur le ministre, seriez-vous prêt à vous engager à autoriser le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, ou un autre comité sénatorial, à étudier l’article 33.1 du Code criminel et à entendre des experts et l’ensemble des points de vue à ce sujet cet automne? Le comité pourrait faire des recommandations. Vous comparaissez à titre de témoin aujourd’hui, mais nous n’avons pas entendu d’autres témoins. Il y a une série de personnes et d’organismes qui ont été contactés, mais nous ne connaissons pas leur point de vue. Nous nous trouvons limités, étant donné les circonstances dans lesquelles on nous demande d’adopter ce projet de loi. C’est une méthode assez particulière, vous en conviendrez.
M. Lametti : Tout à fait. Je dois être honnête. Il est très important de combler les lacunes évoquées par la Cour suprême. Cependant, vous êtes maîtres de votre travail et je vous invite à étudier la question. Je suis toujours ouvert aux suggestions, surtout lorsqu’il s’agit de questions techniques, comme c’est le cas ici ou dans l’espèce, où il faudrait vraiment étudier la question de façon approfondie.
Selon les témoignages des experts et selon toutes les personnes qui ont été consultées, et aussi grâce à l’encadrement de la Cour suprême, qui nous a donné deux options, nous avons fait un choix avec le projet de loi C-28, et je crois que c’est une bonne option. Cependant, surtout pour des questions d’interprétation, il est préférable de prendre le temps d’étudier ce projet de loi plus en profondeur, ce que je vous invite à faire.
Le sénateur Carignan : J’ai compris que, du côté de la Chambre des communes, cette étude fait partie de la motion présentée pour adopter le projet de loi C-28. C’est donc une condition d’adoption?
M. Lametti : Oui, c’est le cas, mais vous pouvez faire votre propre étude.
Le sénateur Carignan : Je crois qu’il serait sage que nous procédions aussi à une étude.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Merci, monsieur le ministre, de votre présence ici. J’ai les mêmes préoccupations que le sénateur Carignan. Il s’agit d’un sujet important et difficile qu’il faut étudier en profondeur, car l’intoxication extrême peut être causée par de nombreuses choses. Nous devons recueillir des preuves d’experts; pas seulement de nos experts habituels, mais aussi d’experts scientifiques.
J’ai de nombreuses questions, mais ma plus grande inquiétude porte sur ce qui sera considéré comme de la négligence. Comment les procureurs vont-ils démontrer la négligence et la norme de diligence?
Je suis d’accord avec toutes les remarques du sénateur Carignan, mais je souhaite aussi profiter de l’occasion pour vous demander comment ils vont la démontrer. C’est très difficile. La personne ne le sait pas. Par exemple, on peut manger un mets qu’on n’avait jamais mangé auparavant, puis prendre un verre et subir une intoxication extrême. En quoi est-ce faire preuve de négligence? J’ai vraiment de la difficulté avec ce concept.
M. Lametti : Merci, sénatrice. Je vais essayer de vous rassurer, dans la mesure du possible.
Premièrement, ces cas sont extrêmement rares. Le but de cette mesure législative est de corriger une lacune qui a été créée par la Cour suprême pour les cas très rares où il ne s’agit pas seulement d’intoxication extrême, mais un état d’intoxication extrême s’apparentant à de l’automatisme. Tous les autres cas d’intoxication extrême sont déjà couverts par le droit pénal et les principes du droit pénal. Il s’agit d’une défense d’intention générale, et les procureurs, les juges et les intervenants dans le système de droit pénal ont l’habitude de ces normes. Nous cherchons à corriger une petite lacune en tenant compte des conseils que la Cour suprême nous a formulés.
En ce qui concerne la négligence criminelle, c’est une norme bien établie. Le principe de la négligence criminelle est invoqué dans une vaste gamme de motifs de défense. Le critère du caractère raisonnable est de déterminer ce qu’une personne raisonnable ferait ou aurait fait dans les circonstances. Donc, c’est une norme objective. Encore une fois, c’est une norme que les procureurs connaissent, tout comme les juges et les intervenants dans le système pénal.
Il faudra donc se poser la question suivante : la personne s’est‑elle éloignée de cette norme de manière significative en ingérant les substances intoxicantes?
La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, je ne veux pas être impolie, mais je dispose de seulement une minute.
J’aimerais que vous sachiez que c’est précisément ce qui est difficile à concevoir pour moi — déterminer ce que ferait une personne raisonnable dans les circonstances. C’est hors de la norme de ce qu’une personne raisonnable ferait si l’individu en question ne sait même pas que ce qu’il fait n’est pas normal. Si on applique le critère « raisonnable » à la conduite d’un véhicule, on sait qu’il ne faut pas conduire après avoir consommé de l’alcool. Mais si vous avez mangé quelque chose puis que vous buvez quelque chose et que vous vous retrouvez dans un état de dépendance ou d’intoxication extrême, ce genre de situation pose un défi. Le critère de « ce qu’une personne raisonnable ferait » ne convient pas. C’est pourquoi je pense qu’il faudrait mener une étude plus approfondie.
(1720)
M. Lametti : Je crois que la réponse, madame la sénatrice, c’est que la notion de négligence criminelle ou le caractère raisonnable s’applique à l’action d’ingérer des substances intoxicantes. Dans la grande majorité de ce petit pourcentage de cas, si un élément en lien avec le passé de la personne ou le produit ingéré aurait dû lui suggérer que la substance risquait de mener à des comportements violents, la personne sera déclarée coupable de négligence.
Par ailleurs, il y a des situations parfaitement innocentes, par exemple si une personne prend des médicaments d’ordonnance et a une réaction qu’elle n’aurait pas pu prévoir. C’est l’aspect de l’ancienne loi que la cour a déclaré inconstitutionnel. C’est la seule partie que nous excluons ici.
La sénatrice Jaffer : J’ai énormément de questions, monsieur le ministre, mais je dois respecter le temps de parole de la sénatrice Miville-Dechêne.
[Français]
La sénatrice Miville-Dechêne : Bonjour, monsieur le ministre, et bienvenue au Sénat. Évidemment, le projet de loi C-28 limite la défense de l’intoxication extrême, comme vous l’avez expliqué, tout en permettant de l’invoquer dans certaines circonstances. Comme vous l’avez déjà constaté, cela inquiète des groupes de femmes, et je pense notamment à l’Association nationale Femmes et Droit qui dit qu’il y a eu un manque de consultations.
Ma question est la suivante : en vertu de projet de loi C-28, si un homme consomme volontairement de l’alcool, possiblement avec d’autres substances intoxicantes, et qu’il commet un crime par la suite, peut-il invoquer la défense de l’intoxication extrême? Autrement dit, ce moyen de défense est-il de nouveau offert à quelqu’un qui se soûle, fume un joint ou des joints et agresse une femme?
M. Lametti : Merci, sénatrice, de la question. Comme le sénateur Carignan vient de le souligner, nous avons consulté une trentaine de groupes et la grande majorité d’entre eux ont admis, presque à l’unanimité, que c’était la meilleure voie à suivre étant donné l’encadrement que nous a proposé la Cour suprême.
Il est évident que l’ancien article était inconstitutionnel. Nous avons travaillé à l’intérieur de l’encadrement proposé. Pour répondre à votre question, d’abord, la Cour suprême a souligné que c’est un cas rare, même très rare, et que c’est uniquement la consommation d’alcool qui mène à cet état. C’est un état d’intoxication qui s’apparente à l’automatisme. C’est donc encore plus rare. Les autres cas sont déjà couverts par le droit pénal et la personne sera trouvée coupable dans les autres cas et dans le cas où le comportement d’intoxication était négligent.
La sénatrice Miville-Dechêne : Il reste que cette défense revient et demeure possible. En soi, cela est considéré comme n’étant pas banal par des groupes de femmes qui disent que cela aura une influence sur le système de justice, puisque certains vont invoquer la défense de l’intoxication extrême.
M. Lametti : En premier lieu, encore une fois, ce sont des cas très rares. En deuxième lieu, cette défense doit être invoquée par l’accusé et il faut que l’accusé démontre avec des preuves et avec l’aide d’experts que c’était un cas d’automatisme, ce qui est déjà rare. En troisième lieu, l’accusé doit démontrer que ses actions n’étaient pas négligentes. Évidemment, ce sera à la Couronne de fournir la preuve que ce n’était pas un état d’automatisme ou que les comportements étaient négligents. Les chances de pouvoir invoquer ce moyen de défense sont très minces, et nous l’avons prévu explicitement. D’autres groupes, comme le Fonds d’action et d’éducation juridique pour les femmes, ont eu une grande influence sur l’évolution du droit au Canada au cours des 40 dernières années et nous appuient dans nos démarches parce qu’ils ont compris que c’était une réponse modérée, réfléchie et constitutionnelle.
La sénatrice Miville-Dechêne : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Loffreda : Bienvenue au Sénat, M. Lametti.
A-t-on tiré des enseignements d’autres pays dans le monde? Dans quelle mesure la défense d’intoxication extrême assimilable à un automatisme existe-t-elle dans la loi des alliés du G7 ou d’autres pays de l’OCDE? Cette défense est-elle unique au Canada?
M. Lametti : Tout d’abord, je vous remercie de votre question. Je suis heureux d’être ici et de vous répondre.
Ce n’est pas unique. Je devrai vous répondre plus tard pour ce qui est de pays en particulier, mais je dirai qu’en général, nous faisons partie de la tradition du droit pénal anglais, mais codifié. Cette défense a été codifiée dans les colonies bien avant de l’être au Royaume-Uni. Nous nous inscrivons dans la tradition générale de la common law. Ainsi la défense existe sous d’autres formes dans d’autres endroits. Il s’agit d’une défense dans le cas d’infractions d’intention générale, qui est l’une des catégories d’infractions en droit pénal qui comprend les voies de fait, l’agression sexuelle et l’homicide involontaire. Il existe un ensemble différent de défenses pour des infractions spécifiques. Elle s’inscrit dans cette tradition générale.
Je pourrais vous fournir une réponse plus précise, mais, généralement, cela relève des juridictions pénales anglaises.
Le sénateur Loffreda : Merci.
La sénatrice Cordy : Monsieur le ministre, merci d’avoir répondu aussi rapidement aux arrêts R. c. Brown et R. c. Sullivan de la Cour suprême. Je ne suis pas avocate, mais je crois que le projet de loi est extrêmement important pour protéger les victimes. Merci beaucoup.
Dans l’affaire Brown, la Cour suprême a mentionné deux voies législatives que le Parlement pourrait emprunter en matière d’intoxication extrême. Vous proposez d’emprunter l’une de ces voies avec le projet de loi à l’étude. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez décidé de ne pas opter pour une infraction distincte d’intoxication extrême volontaire?
M. Lametti : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. C’est une bonne question et elle me ramène à une discussion que j’ai eue avec mon équipe quelques jours seulement après la décision. Me Morency était là également et elle nous présentait des options.
La Cour suprême nous a donné deux options, comme vous l’avez dit. L’une était de créer une infraction distincte pour l’intoxication criminelle. L’autre, celle que nous avons choisie, consiste à établir une norme de négligence criminelle dans la loi elle-même, tout en accusant tout de même la personne de la même infraction.
Premièrement, nous avons entendu plusieurs groupes, des groupes de défense des femmes en particulier, qui nous ont dit qu’ils voulaient que ce soit la même infraction et qu’elle devait être aussi sérieuse — je ne veux pas dire « stigmatisante » — ou qu’elle soit dans le même ordre d’événements et emploie la même terminologie. La personne sera déclarée coupable d’agression sexuelle, disons, ou d’agression, et la négligence criminelle y sera intégrée.
Deuxièmement, nous espérons que cette mesure aidera réellement à encadrer et à réduire les litiges, parce que ce sont des normes connues. Nous travaillons encore efficacement selon les mêmes paramètres que le projet de loi présenté à l’origine par le ministre Rock il y a une vingtaine d’années.
Si on adoptait une autre norme, et si on créait une infraction distincte, les tribunaux mettraient encore 10 ou 15 ans à établir les paramètres de cette nouvelle disposition. Nous espérons pouvoir éviter cela. Cela aiderait les victimes et, à vrai dire, l’ensemble des intervenants du système de justice pénale. Nous apportons des précisions à des normes connues.
La sénatrice Cordy : Je vous remercie infiniment, monsieur le ministre. Pour ceux d’entre nous qui ne sont pas avocats, pouvez‑vous expliquer brièvement pourquoi les dispositions actuelles de la loi ont pu faire l’objet d’une contestation constitutionnelle, et pourquoi, selon vous, ces nouvelles dispositions législatives pourront résister à d’éventuelles contestations constitutionnelles?
M. Lametti : Les dispositions actuelles ont pu faire l’objet d’une contestation constitutionnelle parce qu’il se pourrait qu’une personne soit involontairement dans un état d’ébriété qui l’amène à poser des gestes par automatisme et qu’elle soit déclarée coupable d’une infraction très grave, même si, en quelque sorte, elle n’a « rien fait de mal ». Ce pourrait être le cas, par exemple, d’une personne qui a pris un ensemble de médicaments d’ordonnance pour la première fois sans savoir comment son organisme allait réagir.
(1730)
C’est très différent d’une situation où une personne sait avoir déjà agi d’une certaine façon lorsqu’elle se trouvait dans cet état. Par exemple, elle a déjà mélangé toutes sortes de substances, ce qui a mené à un résultat violent qui n’a peut-être pas entraîné d’infraction criminelle. La situation est différente. Le tribunal voulait faire une distinction entre ces cas de figure.
Pour être honnête, c’est de cette façon que nos avocats ont interprété la décision antérieure devant la Cour suprême, qui a répondu que cela ne suffisait pas et qu’il fallait resserrer les choses.
C’est une partie de la réponse à votre question. Je suppose que l’on voulait enlever le cas d’intoxication inoffensive menant à des conséquences tragiques.
Nous croyons que c’est constitutionnel pour cette raison, en partie, mais aussi parce que nous suivons les conseils que la Cour suprême nous a donnés. Nous nous en sommes donc tenus à l’une des deux avenues qu’elle nous a données et, en conséquence, nous croyons que cela résisterait à une contestation constitutionnelle.
La sénatrice Bovey : Monsieur le ministre, merci d’être là. Si vous le permettez, j’aimerais poser une question complémentaire à la question posée par la sénatrice Cordy.
De toute évidence, il y a beaucoup à faire pour bâtir la confiance des victimes d’agression sexuelle envers le système de justice pénale. Le projet de loi C-28 y contribuera certainement, mais il ne suffira pas. Quelles autres mesures le gouvernement pourrait-il prendre pour aider les victimes?
M. Lametti : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Elle est importante.
Je dirais que le gouvernement est prêt à en faire beaucoup. Comme vous vous en souviendrez, il y a un peu plus d’un an, nous avons modifié la Loi sur les juges pour améliorer la formation des juges. Bien évidemment, le principe de l’indépendance judiciaire est important pour nous. Nous exigeons toutefois que tous les candidats aux cours supérieures ou fédérales acceptent, en tant que condition préalable à leur nomination à un poste de juge, de suivre une formation portant précisément sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social pour en faire de meilleurs juges et les aider à comprendre les cas.
Nous avons également modifié le Code criminel pour renforcer les dispositions sur les agressions sexuelles afin de les rendre plus justes et, je crois, plus adaptées aux victimes, tout en menant à de bons résultats.
Par ailleurs, le gouvernement investit beaucoup d’argent — je parle d’offrir un accès sans frais à des conseils juridiques sur les cas d’agression sexuelle. Nous travaillons sur des programmes pour réduire la violence entre partenaires intimes, prévenir la violence contre les femmes et soutenir les survivants. Des investissements importants sont faits dans ce dossier. En 2022, nous avons investi près de 540 millions de dollars pour prévenir la violence contre les femmes et soutenir les survivants.
Cette mesure législative est un élément d’une vaste stratégie pour cibler les questions de l’éducation, de la société, des juges et des participants au système judiciaire, mais également pour appuyer les gens qui en ont besoin, en particulier les survivants.
La sénatrice Bovey : Merci de votre réponse.
Il est évident que les décisions de la Cour suprême ont attiré l’attention des Canadiens et soulevé de nombreuses questions, en particulier en ce qui concerne les jeunes femmes et les filles.
Vendredi dernier, la ministre Ien a parlé d’une partie de la fausse information qui circule. Vous avez parlé de malentendus qui se sont transformés en mésinformation. Je me demande si vous pouvez nous en dire un peu plus sur la mésinformation que vous avez vue et sur la façon dont ce projet de loi permettra de la contrer.
M. Lametti : Merci, sénatrice. J’ai été très ému par ce qu’a dit la ministre Ien durant cette conférence de presse. Je peux dire que ses propos m’ont aussi touché. J’ai trois enfants, dont une fille de 21 ans, qui est ma benjamine. Elle a eu une longue discussion avec sa mère — qui est elle aussi une professeure de droit — sur cette disposition qui découle de la décision de la Cour suprême.
Des erreurs ont été commises. C’est ce qui est arrivé. Des gazouillis et des messages sur des médias sociaux qui laissaient entendre, à tort, que cette décision donnerait aux gens un passe‑droit pour boire, puis aller agresser ou agresser sexuellement d’autres personnes. Bien sûr, ce n’est pas vrai. Cependant, il a été difficile de contrer ces allégations en faisant comprendre à la population que la décision s’applique seulement à un tout petit nombre de cas, ce qui est la vérité. Comme le sénateur Carignan l’a dit il y a un instant, il y a seulement eu une poignée de cas en 20 ans.
Prendre une mesure comme celle-ci nous aide en quelque sorte à remettre le génie dans sa bouteille parce que nous pouvons maintenant dire que nous avons corrigé ce qui clochait, sans toucher ce qui ne posait pas de problème. Nous pouvons clairement soutenir sur les médias sociaux et dans d’autres types de médias que nous avons couvert toute la gamme. Nous pouvons dire aux gens qu’ils n’ont pas de passe-droit ou qu’ils sont protégés, selon le public cible. Cela nous permet de mieux sensibiliser tout le monde.
Je dois, cependant, admettre que c’est franchement effrayant. Nous utilisons cette occasion — en fait, nous nous sommes servis de la conférence de presse avec la ministre Ien — pour laisser savoir aux gens que non seulement nous agissons pour corriger cette lacune, mais aussi que nous estimons qu’être en état d’ébriété ou d’intoxication ne justifie aucunement une agression ou une agression sexuelle.
La sénatrice Bovey : Je vous remercie.
Le sénateur White : Madame la présidente, par votre entremise, je remercie le ministre d’être présent au Sénat aujourd’hui.
Ce projet de loi est important. Il est tout aussi important de bien faire les choses. Je comprends que selon les dires du gouvernement, les consultations étaient terminées lorsque le projet de loi a été présenté à l’autre endroit. Je ne sais pas à quelles dates ces consultations ont été menées. Je souligne également que l’Association nationale Femmes et Droit était inscrite comme participante à ces consultations. Toutefois, l’association m’a dit que les réunions ont eu lieu quelques jours seulement avant le dépôt du projet de loi. L’association se dit préoccupée par ce processus de consultation.
Avant que vous me répondiez, je voudrais vous dire que je dois me rendre à un comité alors ma question sera brève. Pouvez-vous nous expliquer comment ce calendrier serré peut permettre de mener une consultation sérieuse? Pouvez-vous nous dire quand ces consultations ont eu lieu et si elles ont débouché sur des modifications de la version initiale du projet de loi?
M. Lametti : Merci, sénateur. C’est une bonne question. Nous avons effectué les consultations que nous avons pu dans le temps que nous avons eu depuis que la Cour suprême a rendu sa décision. Nous avons consulté. En fait, mon équipe ne s’est pratiquement consacrée à rien d’autre. Certaines personnes s’emploient uniquement à communiquer avec des organismes pour connaître leur opinion. Comme je l’ai dit, la vaste majorité des organismes consultés, y compris ceux qui défendent l’intérêt des femmes, appuient cette approche. Ils avaient lu la décision de la Cour suprême et avaient pris connaissance des deux solutions proposées.
Je regarde les fonctionnaires du ministère de la Justice avec un sourire parce que cette décision ne nous a pas vraiment pris au dépourvu. En fait, certains de mes anciens collègues de l’Université McGill, dont Patrick Healy, qui est maintenant juge, enseignent depuis 20 ans que l’article 33.1, dans sa forme initiale, était inconstitutionnel compte tenu de l’arrêt Daviault initial. Ainsi, nous avions une petite idée qu’il faudrait intervenir à cet égard à un moment donné, donc beaucoup de travail préliminaire avait déjà été fait.
Nous avons pris les consultations au sérieux. Nous estimons avoir choisi la meilleure approche compte tenu du cadre que nous a fourni la Cour suprême dans ces décisions récentes.
Le sénateur White : Merci, madame la présidente. Je cède le reste de mon temps de parole au sénateur Patterson.
Le sénateur Patterson : Madame la présidente, par votre entremise, je voudrais poser une question au ministre. J’ai remarqué que, malgré le fait que le gouvernement libéral a foncé à toute vapeur, si je puis dire, pour faire adopter une motion de consentement unanime pour l’adoption du projet de loi à toutes les étapes à l’autre endroit sans avoir reçu de témoins, vous avez également dit être en faveur du renvoi de la question au Comité de la justice à l’automne. Cela m’indique qu’il y a un problème et qu’on veut éviter, comme vous l’avez dit, les conséquences imprévues. Il y aurait donc un problème et les inquiétudes soulevées seraient fondées.
Ma question est la suivante : pourquoi adoptons-nous ce projet de loi à toute vitesse sans attendre le rapport du comité? Je sais que vous avez dit que personne ne veut être tenu responsable d’acquittements qui découleraient du fait que ce projet de loi n’a pas été adopté, mais qu’en est-il de la responsabilité relative à des acquittements qui découleraient du fait que le projet de loi a été bâclé et qu’il risque de comporter des lacunes?
M. Lametti : Merci, monsieur le sénateur. En tout respect, je ne suis pas d’accord avec vous sur le fond; je crois qu’il s’agit de la meilleure solution. Je ne crois pas que... permettez-moi de reformuler. Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d’attendre. Vous avez possiblement vu quelle a été la réaction à la décision de la Cour suprême. Je pense qu’elle a été la même partout au Canada. Les groupes de femmes, les experts en droit pénal et d’autres groupes de victimes et de survivants ont déclaré : « Vous devez agir rapidement. »
(1740)
« Le ministre Rock a agi rapidement la dernière fois; vous devez agir rapidement cette fois-ci. » C’est ce que nous avons fait. Franchement, nous pensons avoir trouvé un juste équilibre. Nous nous servons des études menées à l’autre endroit — si vous décidez d’en faire une au Sénat, elle nécessitera un compromis politique — pour nous rassurer que d’autres questions ont été soulevées, comme celle des conditions qui s’apparentent à ce que nous qualifions autrefois de folie ou de psychose toxique, et qu’elles nous ont permis de trouver la bonne solution.
Si j’ai bien compris la situation sur le plan juridique, je pense que nous avons effectivement trouvé la bonne solution. La Cour suprême s’est déjà prononcée sur ce sujet il y a 10 ans dans l’affaire Bouchard-Lebrun et nous pouvons aller de l’avant sans problème. Par ailleurs, je ne pense pas que nous devrions laisser les choses telles quelles. Comme l’a souligné la ministre Ien, il y a des messages contradictoires qui circulent, surtout chez les jeunes dans les médias sociaux, selon lesquels cette décision accorde une sorte de passe-droit. Nous devons corriger cela. Nous devons combler cette lacune. C’est ce que tous les groupes de survivants et tous les grands experts nous recommandent de faire et c’est ce que la Cour suprême nous a recommandé de faire.
Le sénateur Patterson : Voici une question d’un avocat à un autre. Dans le projet de loi dont nous sommes saisis, il y a une exigence voulant qu’une personne doive pouvoir raisonnablement prévoir que l’intoxication extrême causerait un préjudice à une autre personne. Selon plusieurs avocats, notamment de l’Association nationale Femmes et Droit et selon Ken Roach, un autre nom sur votre liste de consultation, sans qu’il comporte un élément voulant qu’on puisse prévoir raisonnablement la perte du contrôle, le projet de loi créerait malheureusement une échappatoire, soit l’impossibilité de prouver les éléments essentiels d’un crime, le mens rea ou même l’actus reus du défendeur. Ce fardeau de la preuve est-il trop élevé pour que la Couronne puisse prouver qu’une personne aurait pu prévoir le risque de façon objective?
M. Lametti : Je ne le pense pas, sauf votre respect. Il est intéressant de constater que nous ne sommes pas loin de ce que le professeur Roach avait suggéré lors de nos consultations avec lui, et il est un expert de premier plan.
Nous ne pensons pas qu’il s’agit d’une norme trop élevée. Nous pensons que ces normes sont bien connues. La norme concernant la négligence criminelle est une norme que nous utilisons dans d’autres domaines du droit pénal, tout comme la prévisibilité raisonnable. Là encore, il s’agit d’une norme objective de prévisibilité raisonnable. C’est ce qu’une grande partie de la société devrait savoir. C’est une chose à laquelle les procureurs sont habitués. C’est une chose à laquelle la police est habituée pour ce qui est du dépôt d’accusations, et c’est une chose que les juges ont l’habitude de traiter.
Nous ne pensons pas que la norme est trop élevée. C’est à l’accusé de prouver d’emblée un état d’automatisme. Déjà, cela enlève une bonne partie du fardeau du côté de la poursuite. Je pense, très franchement, que nous travaillons avec une disposition qui n’est pas nouvelle. Il s’agit d’une modification à l’article 33.1; nous le remplaçons, mais il y a une disposition qui existait auparavant. Je pense donc qu’en ce qui a trait à l’évolution, nous travaillons avec des normes connues et nous atteindrons un bon équilibre.
Le sénateur Patterson : Merci.
M. Lametti : Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur Lametti, je vous félicite d’avoir réagi en seulement cinq semaines dans le dossier de la défense de l’intoxication avec le projet de loi C-28.
Par contre, je vous ferai remarquer que les tribunaux avaient accordé au gouvernement 12 mois pour régulariser la fouille des appareils électroniques par les douaniers. Vous en avez pris 18. Maintenant, vous nous dites que vous avez réussi à consulter une trentaine d’organisations depuis la décision de la Cour suprême. Ce que j’aimerais savoir est fort simple : pourquoi cette différence dans le temps de réaction? Cela me porte à croire que, parfois, le gouvernement peut agir plus rapidement dans certains dossiers que dans d’autres. Y a-t-il des priorités qui pourraient être plus politiques que juridiques?
M. Lametti : Les circonstances étaient différentes, surtout en raison des décisions de la Cour suprême. Dans l’autre cas, on nous a accordé 12 mois. Dans ce cas-ci, la cour a « cassé » la loi existante et a rendu un article du droit criminel inconstitutionnel. Il fallait donc réagir rapidement, et c’est ce que nous avons fait.
Évidemment, comme je viens de le dire, c’était un problème que je ne qualifierai pas de connu, mais de prévisible. Certains experts ont dit dès le début que l’ancien article 33.1 était inconstitutionnel. Il y avait donc déjà du travail qui avait été fait.
Les groupes qui ont réagi à la suite de la décision étaient évidemment très ouverts à nos consultations. Nous avons donc pu procéder d’une façon très efficace en raison de ces circonstances.
Le sénateur Dagenais : Tout de même, votre gouvernement a pris 18 mois dans le cas des appareils numériques alors que la cour avait accordé 12 mois. Il y a donc eu six mois de plus.
M. Lametti : Je peux vous dire que l’autre cas était assez complexe. Dans ce cas-ci, on pouvait se concentrer sur un seul article du droit pénal, du Code criminel. Donc, c’était une enquête beaucoup plus encadrée.
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le ministre.
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue, monsieur le ministre. D’abord, comme mes autres collègues, je tiens à souligner la rapidité avec laquelle vous avez réagi à la décision de la Cour suprême.
Monsieur le ministre, je comprends par contre que ce que vous nous proposez ne répond pas entièrement à la décision et aux recommandations de la Cour suprême.
Au cours des deux dernières années, 333 femmes ont été assassinées au Canada. Cela représente une augmentation de 30 % depuis trois ans. On sait que la composante la plus fréquente dans la violence conjugale est l’intoxication. Beaucoup de groupes de femmes ont clairement dit que cette décision de la Cour suprême rendra encore plus vulnérables les femmes qui vivent de la violence conjugale, et qui n’osent pas dénoncer leur agresseur de peur de perdre la vie.
J’ai lu attentivement votre projet de loi et j’ai tenté de trouver ce qui allait mieux protéger les femmes d’agresseurs intoxiqués. Je n’ai rien vu qui traitait de la prévention et de la protection des victimes. À moins que j’aie mal lu, pouvez-vous m’indiquer les dispositions qui traitent de la protection des victimes dans le projet de loi?
M. Lametti : Merci, honorable sénateur. J’apprécie toujours votre collaboration.
Avec ce projet de loi, on répond uniquement à une lacune qui a été créée par une décision de la Cour suprême qui a rendu un seul article inconstitutionnel. La réponse est vraiment axée sur un seul article encadré par l’analyse de la Cour suprême. Oui, le projet de loi aide à protéger — il faut l’admettre, les femmes représentent la majorité des victimes dans ce cas. Nous faisons d’autres choses aussi, monsieur le sénateur.
Le sénateur Boisvenu : Vous êtes d’accord pour dire que la Cour suprême a utilisé deux expressions pour décrire la violence conjugale : « urgence » et « problème réel ».
M. Lametti : Oui.
Le sénateur Boisvenu : Si le problème urgent était celui de mieux protéger les femmes, pourquoi ne pas avoir attendu à l’automne prochain pour présenter ce projet de loi? Selon moi, l’urgence est de protéger les femmes. Il y aura peut-être quatre cas d’intoxication extrême d’ici l’automne prochain, alors que 20 femmes pourraient être assassinées au Canada pendant cette même période. Selon vous, n’aurait-il pas fallu attendre à l’automne pour demander au Comité des affaires juridiques d’étudier la problématique de la violence conjugale et de l’auto-intoxication, afin d’arriver avec un projet de loi solide qui ferait en sorte de définir davantage l’auto-intoxication et de mieux protéger les femmes? Ce projet de loi ne change en rien la vulnérabilité des femmes, et c’est ce que la Cour suprême nous a demandé de modifier.
M. Lametti : Nous sommes en train de prendre plusieurs mesures justement pour régler le problème de la violence conjugale.
Le sénateur Boisvenu : Est-ce que vous allez adopter le bracelet électronique comme l’a fait le Québec?
M. Lametti : D’abord, nous venons d’adopter un projet de loi d’intérêt privé qui s’inscrit dans les mêmes paramètres. Nous sommes en train d’appuyer les provinces en ce sens, et c’est d’ailleurs une préoccupation qui apparaît dans ma lettre de mandat.
(1750)
Le sénateur Boisvenu : Allez-vous obliger...
M. Lametti : Puis-je terminer ma réponse? Il y a des mesures en place; il y a aussi un projet de loi, monsieur le sénateur, concernant les armes à feu et les armes de poing, qui contient également des mesures visant à mieux répondre aux drapeaux rouges et aux drapeaux jaunes dans les cas de violence conjugale.
Nous sommes en train d’appuyer les programmes — soit les nôtres, soit ceux que nous avons créés avec les provinces — pour combattre la violence conjugale. Nous prenons donc plusieurs mesures. Évidemment, il y a le droit pénal, et si vous voulez faire une étude là-dessus, vous êtes les bienvenus.
Ce que nous avons essayé de faire dans ce projet de loi, c’est de combler une lacune, et c’est ce que nous avons fait. Évidemment, il y a d’autres mesures que nous sommes en train de prendre pour combattre ce fléau.
Le sénateur Boisvenu : Vous savez, monsieur le ministre, que nous sommes devant un procès où des experts vont se battre et argumenter, comme dans le cas des problèmes de santé mentale, où il y a souvent deux experts qui s’affrontent : l’un dit qu’il y a un problème de non-responsabilité criminelle et l’autre dit que l’inculpé est responsable. On vient d’ouvrir la porte à ce genre de débat entre experts. Vous savez que, dans le Code criminel, le fardeau de la preuve appartient à la Couronne, alors que la défense n’a qu’à présenter une preuve prépondérante.
Comment les victimes pourront-elles être gagnantes avec ce projet de loi, alors que la défense n’aura qu’à émettre un doute raisonnable? La Couronne devra faire la preuve hors de tout doute raisonnable, et l’on sait que l’intoxication volontaire est ce qui est le plus difficile à faire reconnaître comme preuve.
M. Lametti : Sauf votre respect, cela ne changera rien dans la grande majorité des cas d’intoxication volontaire. Il y a déjà des règles en place. Ce qu’on fait ici concerne les cas d’intoxication volontaire extrême qui s’apparentent à un état d’automatisme; ces cas sont très rares. En l’espèce, c’est à l’accusé de fournir la preuve d’un tel état en première instance. Donc, on assure une protection beaucoup plus élevée pour la victime.
Nous croyons que, dans le cas qui nous occupe, nous avons bien fait. Comme je viens de l’expliquer au sénateur Carignan, il y a une question au sujet de la psychose toxique, mais la Cour suprême, selon nous, a déjà réglé la question. Je crois que, après mûre réflexion, d’autres en arriveront à la même conclusion.
Par conséquent, nous n’ouvrons pas des portes, nous en fermons.
Le sénateur Boisvenu : Monsieur le ministre, j’ai consulté les groupes que votre ministère a consultés. Je pense notamment à Luke’s Place, à l’Association nationale Femmes et Droit et à Hébergement femmes Canada. Ces groupes m’ont dit que la consultation avait été précipitée et que le projet de loi n’allait pas assez loin en matière de protection des femmes vulnérables. Que répondez-vous à cela?
M. Lametti : Nous avons fait toutes les consultations possibles durant le temps qui nous était imparti. En ce qui concerne les autres questions, on n’essaie pas de tout régler, on fait autre chose. Ici, on essaie de répondre à la Cour suprême dans un cas assez précis. Donc, oui, on voudrait éliminer la violence conjugale. Évidemment, on veut mieux protéger les victimes, et nous sommes en train de le faire dans d’autres cas, comme avec le projet de loi C-21, comme vous le savez déjà, qui traite des armes de poing.
Nous allons poursuivre nos efforts. Dans ce cas-ci, le but était de trouver un accord dès que possible, parce que c’était très important. Cependant, cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas ouverts à l’idée de présenter d’autres projets de loi. Nous allons travailler avec l’Association nationale Femmes et Droit, Luke’s Place et d’autres organisations pour trouver des solutions.
Le sénateur Boisvenu : J’ai une dernière question, monsieur le ministre. Pourquoi n’avez-vous pas utilisé l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés du Canada, et pourquoi ne pas avoir attendu à l’automne pour présenter un projet de loi global en matière de sécurité des femmes? Je le répète, dans le cas des crimes commis sous intoxication volontaire, les principales victimes sont des femmes. Pourquoi ne pas avoir utilisé l’article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés et ne pas avoir déposé un projet de loi l’automne prochain, qui aurait englobé tout le thème de la violence conjugale et de l’intoxication volontaire, ce qui aurait permis d’atteindre les objectifs des groupes consultés?
M. Lametti : L’intoxication volontaire est déjà un crime, ce n’est pas une défense. Comme je viens de le répéter devant vous aujourd’hui, l’intoxication volontaire n’est pas une défense.
Donc, il y avait une lacune et c’était important de fermer la porte tout de suite et de corriger le tir.
Le sénateur Boisvenu : Ce n’était pas ma question.
M. Lametti : Pour présenter un tel projet de loi, il faut tout d’abord identifier toutes les lacunes; c’est un projet de loi qui prendra des années.
Le sénateur Boisvenu : Pourquoi ne pas avoir utilisé une disposition de dérogation de la Charte canadienne des droits et libertés, qui suspend temporairement la décision de la Cour suprême, et ne pas avoir déposé à l’automne un projet de loi qui répondrait aux organismes que j’ai moi-même consultés, qui disent que le projet de loi a été rédigé trop vite, qu’il ne va pas assez loin et que la situation des femmes est encore plus fragile qu’elle ne l’était avant la décision de la Cour suprême?
La présidente : Nous devons passer au prochain groupe.
[Traduction]
La sénatrice Simons : Monsieur le ministre, je crains que nous nous retrouvions pris dans une boucle logique ex post facto, car une personne qui consomme une substance intoxicante de manière irresponsable n’est pas coupable de l’avoir fait tant qu’elle n’a pas commis d’acte de violence.
Je m’inquiète du prédicat. Je pense aux affaires R. c. Brown, R. c. Sullivan et R. c. Chan, et je crois que dans tous les cas, il serait difficile de dire qu’ils auraient raisonnablement pu prédire les conséquences de leurs gestes.
M. Sullivan essayait de se suicider en prenant du Wellbutrin, un médicament sur ordonnance. Ça l’a plongé dans un état psychotique qui l’a poussé à poignarder et blesser sa mère. M. Chan, une vedette du rugby ayant été blessé à la tête, a consommé des champignons magiques qui l’ont plongé lui aussi dans un état psychotique qui l’a incité à poignarder et tuer son père. M. Brown, lui, était capitaine de son équipe de hockey. Il a lui aussi consommé des champignons magiques. Ensuite, sans trop savoir comment, il a déchiré tous ses vêtements et attaqué une inconnue avec un manche à balai.
Dans tous ces cas, j’aurais du mal à déterminer où il y a eu négligence et comment n’importe lequel de ces hommes aurait pu prévoir objectivement le risque associé à la consommation de la substance qu’ils ont prise et des gestes qu’ils ont commis par la suite.
Des voix : Bravo!
M. Lametti : Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question. Je dirais qu’il faut voir les choses à l’inverse. Il ne s’agit pas d’une logique ex post facto. À mon avis, avec tout le respect que je vous dois, vous avez inversé l’analyse.
Selon l’analyse, une personne est responsable de ses actions dans tous les cas quand elle devient intoxiquée et qu’elle commet des infractions d’intention générale, sauf dans les rares cas où elle devient intoxiquée d’une manière non attribuable à la négligence.
Vous m’excuserez de ne pas commenter les cas précis que vous avez mentionnés. Je crois que l’affaire Chan a été renvoyée à la Cour supérieure de l’Ontario, alors je ne me prononcerai pas sur ces affaires. Par contre, je vous dirais qu’une personne pourrait être innocentée dans les cas où, justement, elle devient intoxiquée de manière non attribuable à la négligence, mais uniquement dans ce cas.
Sinon, le cas relève du droit pénal où il est reconnu qu’une personne est responsable de ses actes, y compris les comportements violents, quand elle devient intoxiquée. Dans ce cas-là, ce sera aussi vrai même si vous atteignez un état d’automatisme parce que nous avons reconnu comme criminelle la négligence qui mène à un état d’automatisme. Dans d’autres contextes, vous n’avez pas besoin de vous rendre jusqu’à cet état, mais vous êtes encore responsable.
(1800)
La sénatrice Simons : La question essentielle, je crois, est la suivante. Est-ce qu’une personne est considérée comme négligente simplement parce qu’elle a employé un produit pharmaceutique d’une façon non conforme à l’étiquette ou qu’elle a consommé une drogue qui ne crée pas, chez ses amis, un état d’agitation extrême ou d’automatisme?
Autrement dit, à quel niveau se situe la négligence? Allons-nous dire que toute personne qui prend une drogue illégale est responsable parce qu’elle a posé un geste illégal lorsqu’elle a consommé cette drogue illégale? Ou est-elle censée pouvoir prévoir qu’elle sera particulièrement vulnérable à une substance, alors qu’elle ne le sait peut-être pas à l’avance?
M. Lametti : Chaque cas sera tranché en fonction du contexte qui lui est propre. Mon point de vue correspond davantage à votre dernier scénario, c’est-à-dire qu’un élément spécial doit être présent pour que la personne soit disculpée. Cela dit, il existe une vaste jurisprudence en matière de négligence criminelle, ainsi qu’une vaste jurisprudence en matière d’intoxication et de négligence criminelle. Nous l’utilisons déjà dans d’autres contextes, par exemple dans les affaires de conduite en état d’ébriété. Comme je l’ai dit, ces normes sont bien connues des policiers, des procureurs et des juges. Je crois qu’il s’agit d’une norme réaliste. La Cour suprême l’a d’ailleurs suggérée dans les arrêts Sullivan, Chan et Brown.
Le sénateur Cotter : Je vais essayer d’être bref, ministre Lametti. Il s’agit d’une conversation qui, dans une vie antérieure, aurait pu être théorique, mais qui est fichument sérieuse ici.
Je voudrais revenir sur le point soulevé par la sénatrice Simons. Le libellé du projet de loi nécessite une mesure objective de la négligence criminelle impliquée dans l’ingestion d’une substance susceptible de causer non seulement une intoxication extrême, mais aussi des préjudices à une autre personne. D’après ce que je comprends des propos de la sénatrice Simons, c’est que dans les affaires dont la Cour suprême a été saisie — je ne vous demande pas de les juger — il s’agissait de premières fois pour les personnes en cause et personne, y compris un juge, ne pouvait dire objectivement qu’elles auraient pu prévoir que la consommation de toutes ces substances conduirait non seulement à une intoxication extrême, mais aussi à un risque de préjudice pour les personnes lésées. On ne pourrait prévoir cela que si quelqu’un, ayant pris ces drogues auparavant, a réellement vécu ces expériences et a choisi de les répéter.
Monsieur le ministre Lametti, ce qui m’inquiète ici, c’est que la proposition, aussi sincère soit-elle, ratera la cible et que presque personne ne pourra être condamné en vertu de la disposition.
M. Lametti : Je vous remercie, monsieur le sénateur. Vous me ramenez à l’époque où je pouvais vous appeler Brent et Paula, mais voilà où nous en sommes.
Je ne suis pas d’accord avec l’interprétation ou la critique que vous avez présentées, dans le sens où il y a une jurisprudence connue en ce qui a trait à la négligence criminelle, et il y a un ensemble de connaissances scientifiques connu en ce qui concerne les drogues et les effets potentiels de certaines drogues — on sait qu’elles risquent d’avoir tel ou tel effet en fonction de ce qu’elles ont fait à d’autres. Ensuite, il y a l’expérience de la personne qui serait aussi prise en considération dans l’analyse contextuelle pour déterminer si la personne s’est écartée de façon marquée de la norme raisonnable et a atteint le niveau de la négligence criminelle. Je le répète, il s’agit, à mon avis, d’une série de normes connues. Je crois que ce sont des normes pratiques étant donné qu’elles sont utilisées dans d’autres questions de droit pénal et compte tenu de l’état des connaissances médicales.
C’est aussi, comme je l’ai déjà mentionné à plusieurs reprises cet après-midi, une norme qui a été suggérée par la Cour suprême, sous la plume du juge Kasirer, qui a déjà enseigné le droit pénal dans le passé.
Je suis convaincu que nous avons fait un bon compromis. Je comprends la critique, mais elle ne me convainc pas.
Le sénateur Cotter : Je conviens du fait que cela répond à la norme constitutionnelle. Il me semble que c’est le cas. Je crois juste que nous n’arriverons pas à obtenir de condamnations. Merci.
La sénatrice Pate : Merci, monsieur le ministre. Je tiens à préciser que ce n’est pas la première fois que je travaille avec Me Morency. Je pense que nous nous sommes penchées sur cette même question, il y a environ 20 ans, à la suite de l’affaire Daviault. Vous pouvez m’appeler Kim.
J’aimerais revenir sur les deux questions précédentes. Comme vous le savez, les circonstances entourant l’état d’ébriété varient selon la personne qui se trouve dans cet état. Comme l’a indiqué le sénateur Cotter, la seule personne qui sait vraiment si elle est en état d’ébriété, c’est la personne dont les facultés seraient affaiblies.
Même Sean Fagan, l’un des avocats de la défense dans l’affaire instruite par la Cour suprême du Canada, aurait dit que les dispositions législatives seraient complètement inefficaces en raison du fardeau de la preuve qui incombe aux procureurs. Je me demande comment, selon vous, la Couronne sera en mesure de démontrer, hors de tout doute raisonnable, qu’une personne raisonnable dans les circonstances de l’accusé aurait pu prévoir les effets d’un état d’ébriété extrême ainsi que les risques de préjudices qui en découlent, compte tenu du fardeau de la preuve qui incombe maintenant à la Couronne.
Par ailleurs, avez-vous pris en considération les options que certains groupes de défense des femmes ont proposées? Comme d’autres l’ont indiqué, des avocats et des groupes de défense des femmes ont joint bon nombre d’entre nous pour nous faire part de leurs préoccupations à ce sujet. Malheureusement, elles ont dit craindre qu’on donne seulement l’impression de chercher à protéger les femmes, sans toutefois prendre de véritables mesures en ce sens.
M. Lametti : Merci, madame la sénatrice. Permettez-moi de commencer par dire que nous avons consulté un large éventail de groupes, comme des groupes de femmes et des groupes de victimes, et que c’est ainsi que la plupart des groupes ont affirmé qu’il fallait procéder dorénavant. Je ne pense donc pas que l’on croit vraiment que nous cherchions à protéger. Personne ne devrait douter de notre sincérité à cet égard. Je crois que nous avons fait de notre mieux.
D’une certaine manière, un fardeau initial pèse sur l’accusé, qui doit démontrer avoir atteint un état d’intoxication extrême menant à l’automatisme. L’accusé doit en faire la preuve, puis la Couronne passe à l’attaque en affirmant qu’un tel état n’existait pas ou que la personne a fait preuve de négligence criminelle en parvenant à cet état.
En ce qui concerne la négligence criminelle, il existe suffisamment d’indices objectifs à propos des effets des drogues qu’à mon avis, un tribunal affirmerait qu’une personne raisonnable aurait dû savoir que cela pouvait arriver. Ensuite, s’il existe des circonstances ou des conditions particulières dans le passé de la personne, comme un historique de blessures à la tête ou quelque chose du genre, pouvant mener à cet état, encore là, il existe suffisamment de preuves objectives.
Je crois que cette norme est applicable.
La présidente : Honorables sénateurs, le comité siège depuis maintenant 65 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.
Monsieur le ministre, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joint à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi. Je tiens également à remercier vos fonctionnaires.
Des voix : Bravo!
La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que le témoin a été entendu?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.
Rapport du comité plénier
L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a été autorisé par le Sénat à étudier la teneur du projet de loi C-28, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire extrême), signale qu’il a entendu lesdits témoins.
(1810)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est plus de 18 heures, conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je suis obligé de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que le Sénat ne consente à ce que la séance se poursuive. Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».
La séance se poursuit.
Avant de donner la parole à la sénatrice Lankin, je dois vous aviser que nous avons un petit problème technique qui touche l’interprétation sur Zoom. Nous allons suspendre la séance quelques instants.
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
(1820)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il semble y avoir un problème de réseau généralisé. Je donne donc la parole à la sénatrice Gagné pour ajourner la séance.
(À 18 h 22, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)